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l’Intérieur, accorda à Mentelle (dont il n’avait dû garder qu’un bien faible souvenir) un logement au Louvre. C’était un des vingt-six logements pratiqués dans la grande Galerie. Les Mentelle occupaient le n° 11, entre le peintre Hubert Robert et l’orfèvre Ménière, à deux pas de Pierre Pasquier, l’ami des Roland, logé au n° 8. Les souvenirs d’un contemporain, recueillis par M. Olivier Merson[1], nous y font voir Mme  Mentelle, « courte, maigre, bavarde, prétentieuse, plus âgée que son mari, ayant le diable au corps pour la toilette, avec cela, pour les qualités de son cœur, très aimée des voisins et voisines… ».

C/est dans ce logement que Mentelle passa les sombres jours de la Terreur. Lié de longue date avec une foule de gens de lettres et de savants, et par suite avec un certain nombre de conventionnels, il continua de publier des cartes et de professer. On lit, au Procès-verbal de la Convention du 24 février 1793 : « Le citoyen Mentelle fait hommage à la Convention d’une carte géographique des Provinces-unies (toujours l’actualité ; Dumouriez venait de franchir la frontière hollandaise, 20 février) ; l’Assemblée décrète la mention honorable, l’insertion au Bulletin, et que cette carte, faite dans un très grand détail, sera déposée aux Archives ».

Puis, il recommence ses cours. Nous voyons (J. Guillaume, II, 136) qu’en juillet 1793 il avait au Louvre une salle pour son cours de géographie, avec une antichambre commune aux salles « où étaient conservées les porcelaines du ci-devant roi ». Sans doute, la salle qu’il avait déjà en mars 1791 et où son globe était déposé. Ce globe était déjà célèbre ; à l’automne de 1793, il est inventorié par la Commission des Arts, : « Procès-verbaux de la Commission des arts, séance du 22 septembre 1793 : la section de la marine remet un Procès-verbal sur le globe du citoyen Mentelle ». (J. Guillaume, III, 457.)

Le 1er octobre, Mentelle écrit au président du Comité d’instruction-publique de la Convention pour lui annoncer que « lundi prochain [7 octobre], à midi, il commencera son cours de géographie comparée et se trouverait bien honoré si le Comité désignait deux commissaires pour se rendre compte de sa méthode ». La lettre est signée « Mentelle, professeur public de géographie, cour du Louvre ». Le Comité désigne Grégoire et Romme (J. Guillaume, II, 520, 526-527), et, dès le lendemain de cette première leçon, le 8 octobre, ils en rendent compte au Comité : « Deux membres font leur rapport d’une séance de leçon de géographie donnée par le citoyen Mentelle ; ils exposent sa méthode et ses procédés. Ils font spécialement l’éloge de son globe, qui, par ses reliefs, rend sensibles les irrégularités diverses du globe terrestre… » (J. Guillaume, t. II, p. 599.)


§ 3.

Or, à ce moment même, Mentelle risquait sa tête, par fidélité pour Brissot, par reconnaissance pour les Roland.

Il allait voir Brissot, à l’Abbaye d’abord, puis à la Conciergerie (où Brissot fut transféré le 6 octobre). Il recevait ses communications et les transmettait aux amis du dehors. Le 28 septembre, Madame Roland lui écrivait : « Faites donc courir la lettre de B… » (la

  1. Gazettes des Beaux-Arts, 1er mars et 1er septembre 1881.