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vous mes amis. — J.-P. Brissot ». L’autre lettre, adressée spécialement à Lanthenas, est plus importante ; en voici les principaux passages[1] :


Paris, ce 18 septembre 1790.

Cette lettre vous parviendra, mon cher ami, par M. Servan, qui va faire ses vendanges à Condrieu et qui vous verra sans doute. Je crains bien qu’il n’ait dit tout à fait adieu à Paris. C’est un membre fervent que perd la Société[2] ; Dieu veuille qu’il répande là-bas du patriotisme… j’ai lu avec plaisir les détails que vous m’envoyez sur les abbayes que vous avez vues. Continuez. Le plan est bien entre vos mains et celles de Bancal, et je m’en rapporte à lui pour les bases. M. Servan me paraît bien désirer qu’il s’exécute, et en être. À propos, recommandez-le à M. de La Platière. Ils sont bien dignes de se connaître et de devenir amis. J’ai reçu des lettres d’Amérique qui me confirment le bonheur de mon beau-frère[3]. J’ai reçu aussi le projet et l’offre de vente de la belle terre de Spring-Hill de M. Légaux dont je vous avais parlé. Je vois ici que beaucoup de gens de la ferme[4] se disposent à passer en Amérique. Ce sera notre refuge, si la liberté ne peut pas se soutenir…


J.-P. Brissot.

Ainsi, c’est Brissot qui adresse Servan aux Rolaud[5]. Le ministère Roland-Servan-Clavière de mai 1792 sera donc bien, dans toute la force du terme, un ministère « brissotin ».

On voit aussi combien ce rêve d’Amérique, dont se berçait Lanthenas, fut aussi toujours celui de Brissot, comme il fut celui de Madame Roland aux jours de l’adversité[6].


§ 4.

Quand les Roland arrivèrent à Paris, à la fin de février 1791, et s’installèrent à l’hôtel Britannique, rue Guénégaud, Brissot, avec qui ils correspondaient depuis plus de quatre ans sans l’avoir encore vu, fut naturellement une de leurs premières relations. « Brissot vînt nous visiter ; nous nous trouvâmes liés comme d’anciens amis… (Mém., I, 54). « Grégoire doit venir passer la soirée chez nous aujourd’hui, avec Brissot, Garran et plusieurs autres », écrit, le 28 février, Roland à Champagneux (ms. 6241, fol. 18). Brissot conduisit les Roland chez Pétion, ce qui les lia avec Buzot et Robespierre, et bientôt le salon du premier étage de l’hôtel Britannique devint, « quatre fois par semaine, après les séances de l’Assemblée et avant celle des Jacobins[7], « le lieu de réunion de ce petit comité », comme dit Madame Roland, c’est-à-dire du groupe militant qui représentait l’extrême gauche de la Constituante.

Mais on se voyait aussi en famille ; Madame Roland apprécia vite Mme Brissot, dont elle

  1. Ms. 9534, fol. 54.
  2. Quelle Société ? Probablement celle des Amis des noirs.
  3. Le beau-frère de Brissot, François Dupont, était établi comme colon aux environs de Philadelphie depuis le commencement de 1789.
  4. Mot peu lisible au manuscrit.
  5. Servan, toutefois, n’alla pas au Clos. Il se rendit directement à Lyon et chargez Mme Blot de faire parvenir à Lanthenas la lettre de Brissot (ms. 9534, fol. 243-244). Ce n’est qu’en décembre que les Roland firent sa connaissance à Lyon (lettre 396).
  6. Cf. Mémoires, I, 57 ; II, 44, 64, 103. — C’est là qu’elle veut envoyer Buzot proscrit (lettre 542). Cf Mémoires de Louvet, éd. Aulard, I, 130.
  7. Cahier inédit des Mémoires, ms. 4697.