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d’empêcher de « faire juridiquement massacrer des hommes précieux, des patriotes innocents ou malheureux et point criminels… » (p. 10). Il en espérait « un bon effet sur les esprits égarés, qui poussaient à l’échafaud les plus malheureuses et les plus innocentes victimes de la Révolution » (p. 11-15). — « Pour redresser les mouvements dangereux imprimés à la Révolution par ses fanatiques et ses ennemis, j’ai cru, je l’avoue, qu’il fallait des moyens adroits et une conduite soutenue, plutôt que l’inertie et l’emportement, lorsque surtout leur torrent grossi était devenu trop impétueux et ne pouvait plus être arrêté par la faible opposition de quelques individus… » Toujours la molle justification, si durement jugée par Madame Roland !

Puis, après avoir rappelé que, lui aussi, « s’attendait toujours à voir son nom inscrit sur la liste des proscriptions », il ajoute : « Le temps viendra peut-être où je dirai aussi ce que j’ai vu, ce que j’ai fait, ce que j’ai senti ; où j’exposerai avec sincérité les véritables motifs de ma conduite à toutes les époques de la Révolution, mais ce sera, si je le puis, lors seulement que la République sera consolidée… » (p. 15).

Il « commence à croire qu’il n’y a point trop de la loi et de la morale, de toutes les deux mises en action avec une égale vigueur, pour neutraliser les inclinations perverses… ». Nous voilà loin de la liberté indéfinie de la presse ! Il parle de «  l’existence devenue monstrueuse de la Société des Jacobins !! » (Déclaration, p. 12). Il dit ailleurs : « Trois charlatans, Cagliostro, Mesmer et Robespierre… » (p. 12). Lui, le mesmériste enthousiaste de 1782 à 1784 !

Il proclame l’utilité des croyances religieuses ! « Déploierai-je le tableau de l’histoire, pour prouver les bons effets de la religion consolatrice ? etc… » (p. 22-23). Il essaie une réhabilitation du Rolandisme (p. 30). Il dit plus loin : « Le courage passif essentiellement, dans toutes les circonstances, celui de l’homme vertueux… » (p. 109) ; et il écrit, dans son projet de loi en 28 articles, un article ainsi conçu : « Il sera établi à Versailles une maison d’instruction, où les fonctionnaires qui auront fait des fautes seront envoyés en exil, et où seront enseignés les principes et le développement de la République, par ceux de la justice et de l’humanité… » (art. 27, p. 118).

Nous n’avons ni à raconter son rôle à la Convention pendant le reste de la session, ni à donner la liste de ses autres publications. Notons seulement que, élu au Conseil des Cinq-Cents par le département d’Ille-et-Vilaine, il ne siégea que dix-huit mois, ayant été éliminé par le sort au premier renouvellement du Corps législatif (25 mai 1797).

Il y a, au ms. 9534, dix-sept lettres de lui à Bancal des Issarts, allant du 27 octobre 1796 au 16 décembre 1798. Bancal, revenu de captivité, siégeait, lui aussi, au Conseil des Cinq-Cents, dont il sortit en même temps que son ami. Il venait de publier son livre Du nouvel ordre social fondé sur la religion où il exposait, entre autres thèses, — lui, l’ancien hôte du Clos en septembre 1790, — « que les femmes ne doivent jamais se mêler des affaires publiques ». Ces lettres de Lanthenas vaudraient la peine d’être dépouillées.

Il avait été nommé commissaire du Directoire près l’administration municipale du n° arrondissement de Paris. Cela assurait son existence, et c’était nécessaire, car, loin de s’enrichir par la Révolution, il semble y avoir perdu la plus grande partie de son patrimoine. La gêne appraît en plus d’un endroit. Sa santé était d’ailleurs ruinée. Dans sa dernière lettre, du 16 décembre 1798, il dit tristement : « J’espérais tous les jours t’écrire moi-même, mais