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de se consacrer tout entier aux questions d’éducation nationale. Il avait été élu, le 13 octobre 1792, membre du Comité d’instruction publique de la Convention ; il y fut maintenu, à divers renouvellements successifs, jusqu’au 6 octobre 1793, jour où il fut éliminé. (C’est le 3 octobre que la Convention avait voté la proscription en masse de la Gironde ; le moment était mauvais pour lui.) Nous ne croyons pas devoir essayer ici de retracer son rôle dans cette grande commission : c’est un sujet en dehors de notre cadre, mais qui vaudrait d’être étudié, et dont on trouvera tous les éléments dans la grande publication de M. J. Guillaume, Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention nationale.

Des documents, publiés par M. Léon Marillier dans la Revue critique du 3 mars 1884, et qui se trouvent aujourd’hui au ms. 6241. fol. 252-254, nous font assister, en février 1793, à une suprême et amère explication entre Roland et Lanthenas. Le frère aîné de celui-ci, le marchand du Puy, ne recevant plus de ses nouvelles, eut l’idée (ne sachant rien d’une rupture qui n’avait pas éclaté dans le public) de s’adresser à Roland, par une lettre du 8 février. Roland renvoya la lettre à Lanthenas (qui n’avait pas encore quitte l’hôtel de l’intérieur), avec un billet ainsi conçu :

Quoique logé près de six mois sous le même toit, je vous ai très peu vu, je n’ai été nullement au courant de vos pensées ; seulement j’ai été informé que nous différions toujours davantage d’opinion ; d’après cela, il me serait impossible de répondre d’une manière satisfaisante à Monsieur votre frère ; je ne puis lui mander que ce que je vous mande à vous-même et je ne vois que vous qui puissiez satisfaire à ses questions. Ignorant des faits mêmes, je dois me garantir des conséquences. Je crois seulement, et je le crois fermement, que vous êtes à mon égard ce que vous avez voulu être. Si ce n’est pas le fruit d’une mûre réflexion, c’est celui d’une apathie réfléchie. Cause et effet, vous avez constamment nourri et fortifié cette disposition qui me semble dans votre croyance avoir fixé votre caractère. Puisse cette disposition d’esprit et de cœur des choses et des hommes concourir à votre bonheur !


R.

Un mois après, Lanthenas ayant fait imprimer un nouvel ouvrage. Bases fondamentales de l’instruction publique (20 mars 1793), et ayant obtenu qu’il fût distribué par ordre de la Convention vers le milieu d’avril, en envoya un exemplaire à Roland avec une note ainsi conçue :


J’ai fait ajouter la feuille 3 à l’exemplaire ci-joint que j’ai effectivement adressé à Roland, ce que j’ai cru devoir être sensible ; j’ai désiré qu’il vît par sa lecture s’il a eu véritablement raison d’abandonner un ami dont la constante amitié datait de dix-huit ans pour des amis nouveaux que son élévation seule lui a faits, dont la sotte vanité et la marche insensée l’enveloppant de toutes leurs sottises l’ont seules rendu l’objet des persécutions qu’il a souffertes et dont il est encore l’objet.


F. Lanthenas.

Roland répondit par une lettre où il commence par faire l’apologie de son ministère, et qui se termine par ces lignes :

Je reviens à vous ; vous dites que je vous ai abandonné pour de nouveaux amis. Rappelez-vous donc que c’est vous qui vous êtes éloigné de moi. Rappelez-vous donc qu’interpellé dans l’Assemblée même, vous avez justifié un mensonge, une infamie par un silence approbatif ; et cela uniquement