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délié ? Nous le verrons, j’espère, dans quelque temps ». Et, le 8 août : « J’espère l’avoir a la campagne, où nous irons le mois prochain ».

Dans cet isolement moral du Puy, sous l’étroite dépendance où le tenaient son père et son frère aîné, Lanthenas avait ressenti plus vivement que jamais toute l’inégalité de la condition des cadets devant la loi, surtout dans les pays de droit écrit comme était le Velay, et il avait entrepris d’écrire là-dessus. Sa lettre à Bosc, du 26 décembre 1784, parle déjà de ce « petit travail », en ajoutant qu’il ne pouvait le laisser sur sa table (le vieux père regardait dans ses papiers et ouvrait ses lettres !) Nous allons le voir poursuivre, dans son séjour auprès des Roland, la préparation de cet ouvrage contre le droit d’aînesse.


§ 4. Séjour au Clos et à Villefranche.

En effet, Lanthenas, une fois « délié », commença par aller retrouver ses amis, espérant sans doute que leurs conseils l’aideraient à prendre un parti. Roland écrivait à Bosc, de Villefranche, le 29 septembre 1785 (collection Morrison) : « J’arrive de la campagne, où j’ai déjeuné, avant de partir, avec ma moitié, mon frère, et l’ami Lanthenas… » Et, cinq jours après (4 octobre, ibid.) ; « Nous devons, le docteur seigneur Lanthenas et moi, aller passer à Lyon trois semaines ou un mois en novembre et décembre, revenir ici jusqu’après les Rois, qu’il ira vous joindre à Paris pour y recommencer ses caravanes. Car, quoique docteur et émancipé, porteur de sa fortune et maître de ses droits, le voilà redevenu jeune homme, errans et vagabons » (sic).

C’est dans la paisible retraite du Clos, à l’automne de 1785, — puis à Lyon, dans le petit appartement des Roland, place de la Charité, à partir du 15 novembre, — que Lanthenas termina l’année, correspondant activement avec Bosc[1], s’entretenant avec Roland, cadet de famille comme lui, des injustices de la loi au profit des aînés, et continuant à écrire contre eux le réquisitoire commencé au Puy l’année précédente. Dans sa lettre du 29 octobre à Bosc, il parle en effet de refondre ce qu’il a écrit au Puy sur le droit « qui m’accable l’esprit autant qu’il rogne ma fortune… Nos amis jugent maintenant le sujet bon ; mais j’ai besoin de mettre plus d’ordre et de dessein, avec plus de précision. Il est diablement difficile, mon ami, de faire quelque chose de bon… ».

À la fin de décembre, Roland et Lanthenas revenaient de Lyon à Villefranche, où Madame Roland les avait précédés de quelques jours. Il semble que le jeune docteur ait alors songé à s’établir médecin dans la petite capitale du Beaujolais, pour ne pas quitter le ménage. Le 23 novembre, Madame Roland écrivait, de Villefranche, à son mari, alors à Lyon avec Lanthenas ; « Ne songe-t-il point à se faire enregistrer ici à son retour ?… » Et, de fait, l’enregistrement eut lieu. L’Almanach de Lyon de 1786 mentionne, parmi les médecins de Villefranche, « M. Lanthenas, maître ès arts et gradué en l’Université de Paris, docteur en médecine », et cette mention subsiste aux almanachs suivants jusqu’à la fin, c’est-à-dire jusqu’en 1790.

  1. Lettres des 14, 29 octobre, 11 novembre, 10, 15, 16, 23 décembre, collection Morrison ; 4 novembre et 4 décembre, ms. 6239.