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les dentelles de fil du Puy. Il quitta Lyon en octobre 1776 et se rendit en Italie par la Suisse.

Roland, parti pour l’Italie au mois d’août précédent, se trouvait alors à Florence. Quelques allusions des Lettres d’Italie donnent à penser que c’est à Naples ou en Sicile, dans l’hiver de 1776 à 1777, que l’inspecteur des manufactures et le jeune commis voyageur se rencontrèrent et se prirent d’amitié. Lorsque Lanthenas, le premier, regagna la France, ils se promirent de se revoir à Lyon. La vue de l’Italie, les entretiens de Roland avaient achevé de le dégoûter du métier de marchand. « Il revenait, souffrant, chargé de livres, d’estampes, avec une curiosité qu’il ne se connaissait encore pas et une inclination singulière pour les sciences naturelles. » (Paul Le Blanc.) Prétextant son état de santé, il quitta ses patrons et se mit à suivre les cours de physique et de mathématiques de M. de Villers, membre de l’Académie de Lyon, auquel il avait été recommandé par un riche banquier, ami de la science, Nicolau de Moutribloud.

Quand Roland revint d’Italie, à la fin d’août 1777, il retrouva Lanthenas, à Lyon, et se décida à l’accompagner au Puy, pour déterminer le vieux marchand cirier à permettre à son fils de quiller le commerce pour les étides de médecine. Le voyage dut se faire dans les tout premiers jours de septembre 1777[1]. Roland l’a raconté dans la 42° de ses Lettres d’Italie[2]. L’accueil fut cordial ; on emmena Roland à la campagne, « au Collet, ce pittoresque ermitage que les Lanthenas possédaient depuis plusieurs siècles aux portes de la ville », à côté des Orgues d’Espaly, entre le bassin de la Borne et la plaine de Polignac, et, seize ans après, Lanthenas aîné s’autorisait auprès de Roland de ce souvenir (ms. 6241, fol. 252). Mais l’inspecteur ne put obtenir pour son jeune ami l’autorisation désirée. Ils revinrent ensemble visiter, à Villefranche et au Clos, la famille de Roland, puis Lanthenas rentra à Lyon pour s’y remettre à contre-cœur au commerce. C’est de là qu’il écrivit à Roland, le 15 septembre 1777, une longue lettre (ms. 6241, fol. 255-254), pleine de détails tellement particuliers, qu’on n’arrive pas à les expliquer tous. On y voit, du moins, qu’il songeait dès lors à passer en Amérique, à Philadelphie, avec un de ses amis qui se trouvait alors à Saint-Domingue, et qui, « depuis quarante ans courait partie de l’Amérique ». « Je trouve dans ma famille, disait-il, dans ma position actuelle ou celle que je pourrai prendre dans la suite, tant de choses qui répugnent a mon caractère, que c’est encore la perspective que je trouve pour moi la plus agréable… » El plus loin : « Dans certains moments je voudrais, ainsi que vous, pouvoir me passer de tout secours de mes parents, qui mettent à chaque instant ma sensibilité à l’épreuve… ».

D’après M. Paul le Blanc, « c’est seulement en 1780 que Lanthenas obtint de son père l’autorisation d’étudier la médecine ». Nous le trouvons en effet, dans l’été de cette année, installé à Paris, rue Saint-Jacques, en face Saint-Yves, à l’hôtel de Lyon, que tenait « la bonne Madame Bussières », c’est-à-dire dans l’hôtel où descendait l’inspecteur d’Amiens et où il était, précisément alors, installé pour plusieurs mois avec sa jeune femme. (Lettre 5.)

  1. Et non en octobre 1778, comme l’a cru M. Paul Le Blanc.
  2. Datée du 20 octobre. Mais ce ne peut être la date du voyage. Roland reconnaissait lui-même que son livre était plein de fautes d’impression.