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Roland y passa la première quinzaine de juin, et parvint ensuite à gagner Rouen, où ses vieilles amies, les demoiselles Malortie, l’abritèrent jusqu’au jour où il sortit de chez elles pour se tuer (voir Appendice D. § 5). La retraite de Roland à Sainte-Radegonde est attestée par Barrière (Notice, p. xlviii, par La Revellière-Lepeau (I, 163-164), par Cuvier (Notice sur Bosc), et par Bosc lui-même, dans une lettre à Broussonet du 29 mars 1796, citée par M. Rey (p. 26).

Ainsi, vers le milieu de juin, le père et l’enfant étant en sûreté, Bosc n’avait plus à s’occuper que de la mère. Déjà, il l’était allé voir à l’Abbaye (Mémoires, I, 41-43). Après qu’elle eut été, le 24 juin, transférée à Sainte-Pélagie, il resta un de ses visiteurs assidus, lui apportant des fleurs du Jardin des Plantes, dont son ami André Thouin était jardinier en chef (Mémoires, I, 218).

Mais il dut bientôt ralentir ses visites. Madame Roland écrit en août (Mémoires, I, 226) : « J’invite Bosc, qui déjà a donné sa démission, de ne pas courir les risques de la détention en me faisant des visites ; et je le vois une fois par semaine, pour ainsi dire à la dérobée… ».

Selon Cuvier, Bosc n’aurait quitté l’administration des Postes qu’un peu plus tard. « Le 14 septembre 1793 fut le jour de sa destitution. » Il semble que les faits puissent se rétablir ainsi : un décret du 24 juillet 1793 avait prescrit de procéder incessamment à la formation d’une nouvelle administration des postes et messageries, celle que Clavière avait organisée en mai 1792 étant nécessairement suspecte. Le décret décidait (art. 2) qu’il y aurait « neuf administrateurs, élus par la Convention nationale, sur la présentation du Conseil exécutif ». Nous lisons ensuite, dans le Procès-verbal du Conseil exécutif provisoire, séance du 6 août (Aulard, Salut public, V, 487) : « Le Conseil exécutif provisoire, en conformité du décret du 23 et 24 juillet dernier, qui charge le Conseil de désigner à la Convention nationale neuf citoyens pour composer la nouvelle administration des Postes et Messageries… présente les neuf citoyens dont les noms suivent… ». Suit la liste, sur laquelle Bosc ne figure pas. C’est vraisemblablement alors qu’il avait donné sa démission, mais en continuant provisoirement son service. Les nouveaux administrateurs ne furent nommés que les 6 et 10 septembre (voir Procès-verbaux de la Convention), et cela explique qu’il n’ait été définitivement remplacé que le 14.

Il se retira alors à Sainte-Rodegonde, tant pour assurer sa sûreté personnelle que par raison d’économie, puisqu’il perdait, avec sa place, son unique gagne-pain. Aussi, à partir du 5 septembre, n’est-ce plus à lui que Madame Roland fait passer les « cahiers » de ses Mémoires qu’elle rédigeait dans sa prison et dont il avait été jusque-là le dépositaire : c’est au géographe Mentelle, ami de Brissot, mis en relation avec elle par une circonstance fortuite, et moins surveillé que Bosc, qu’elle adresse dès lors ses communications[1]. Mais les visites de Bosc, pour être moins régulières, ne cessèrent pas encore. « Jusqu’au milieu d’octobre, dit-il dons une note rédigée plus tard pour Barrière[2], j’avais pu voir deux ou trois fois

  1. Voir nos recherches là-dessus, dans la Révolution française de janvier 1896 et de mars-avril 1897 « Études critique sur les manuscrits de Madame Roland ».
  2. Elle se trouve en copie au ms. 9533, fol. 342. — Mlle Cl. Bader, qui a eu l’autographe entre les mains, l’a publié dans le Correspondant du 10 juillet 1892.