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§ 12. Bosc, administrateur des Postes.

Il ne s’en trouvait pas moins alors dans une très grande gêne pécuniaire. Cette Révolution, qu’il servait avec une ardeur si désintéressée, avait commencé par le ruiner. « À la réorganisation des Postes, dit Cuvier. M. d’Ogny avait été éloigné et on avait fait redescendre Bosc. » Autrement dit, l’Intendance des Postes avait été supprimée comme toutes les autres et, dans la nouvelle organisation, qui devait fonctionner à partir du 1er janvier 1792[1], Bosc n’avait pu se maintenir qu’en prenant un emploi inférieur et moins rétribué. Le bon naturaliste, avec son insouciance de cigale, se trouvait donc fort au dépourvu quand la fortune de ses amis vint lui faire espérer un autre sort.

Mais, ainsi que nous l’avons expliqué dans l’Avertissement de l’année 1792, les nouveaux ministres ne purent agir tout de suite. Aussi les billets écrits alors à Bosc par Madame Roland sont-ils fort curieux. Après ceux de la fin de mars, où elle cherche à le réconcilier avec Sophie Grandchamp, vient, en avril et aux premiers jours de mai, une suite de petites lettres, amicales, pressantes, où elle se plaint de son silence, de son éloignement. On devine que Bosc, soit qu’il se croie laissé de côté, soit plutôt qu’il ait la pudeur des hommes malheureux et fiers, se tient à distance. Enfin, le 10 mai, arrive un mot bref et significatif : « Quelle heure qu’il soit quand vous recevrez ce billet, venez me voir aujourd’hui ». Ce que Madame Roland avait hâte d’annoncer au plus fidèle de ses amis, c’est que Clavière avait enfin obtenu du Roi les changements réclamés dans la Direction des Postes et qu’il était au nombre des quatre nouveaux administrateurs, au traitement de 15,000 livres, avec le logement dans l’hôtel de l’administration.

Cuvier dit que Bosc fut nommé à cet emploi le 11 mars 1792. C’est un lapsus évident. Il faut lire 11 mai. À la date du 11 mars. Roland n’était pas encore ministre et n’aurait rien pu pour son ami[2]. Voici, du reste, ce que Bosc écrivait à Bancal trois jours après[3].


Paris, 14 Mai 1792.

Vous avez appris, mon cher, l’aventure qui m’est arrivée. Il s’agit actuellement d’en profiter pour le plus grand bien de la nation et des particuliers qui la composent. Il s’agit de désaristocratiser la poste et de lui rendre la confiance dont elle doit jouir.

Nous travaillerons, nous nous priverons de tout plaisir pour parvenir à notre but, et certes le diable s’en mêlera si nous n’y parvenons pas.

… J’ai oublié de vous acheter les travaux de Mirabeau. Je réparerai cet oubli aussitôt que j’aurai de l’argent. J’ai été fait administrateur lorsque j’avais pour toute fortune 60 livres en assignats. Il faut que j’emprunte quelques écus pour attendre la fin du mois…

  1. Décrets, du 12 juin 1790, qui résilie la ferme des Postes, du 9 juillet, qui supprime, entre autres dépenses, celles « relatives aux employés et bureaux de l’Intendance » ; du 26 août qui fixe au 1er janvier 1792 l’entrée en fonction de la nouvelle administration. — Cependant les billets écrits à Bosc par Madame Roland en mars 1792 portent encore « à Monsieur Bosc, secrétaire de l’Intendance des Postes ». Là comme ailleurs, en attendant la réorganisation complète, on conservait provisoirement l’ancienne machine.
  2. Cf. D’ailleurs le Patriote du 15 mai et le Moniteur du 23.
  3. Coll. Beljame. Lettre citée par M. A. Rey, p. 23.