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§ 3. Sa jeunesse.

Quel emploi, ou plutôt quels emplois Louis Bosc d’Antic[1] occupa-t-il successivement, de 1778 à 1792, dans l’administration royale des Postes ?. Le mieux renseigné de ses biographes, Cuvier, dit que l’Intendant des Postes, M. d’Ogny, « le trouva si exact et si intelligent, qu’après quelques années il l’éleva à l’emploi de secrétaire de l’Intendance, ce que maintenant l’on décorerait du titre de secrétaire général, et lui promit la place encore mieux rétribuée de premier commis ». Et c’est en effet « à M. d’Antic, secrétaire de l’Intendance des Postes », que sont adressées, dès 1782, les lettres de Roland et de Madame Roland (Papiers Roland, passim). Plusieurs allusions de la Correspondance indiquent d’ailleurs que, de 1780 à 1792, la situation de Bosc fut plus d’une fois modifiée par suite des remaniements incessants de son administration.

Le jeune Louis Bosc, assuré d’un gagne-pain, « de quelque aisance », dit Cuvier, eut toutes facilités pour se livrer à son goût pour l’Histoire naturelle. Nous avons nommé les savants qu’il rencontrait chez son père, Silvestre nous apprend qu’il étudia la chimie avec Sage, qui depuis 1778 professait la chimie expérimentale à la Monnaie (il aurait pu mieux choisir), et la minéralogie avec Romé de l’Isle, dont les cours publics avaient un succès mérité ; que Broussonet, revenu d’Angleterre, lui fit connaître les ouvrages de Fabricius, puis Linné. Cuvier ajoute un détail curieux, à savoir, que la franchise des postes, dont il jouissait pour sa correspondance, lui facilita beaucoup ses relations avec le monde savant. On va voir combien les Roland la mirent à profit. Ces libertés avec la Poste étaient dans les mœurs du temps[2].

Bosc n’avait pas seulement des amis d’étude. Maintes allusions des lettres de Madame Roland et divers traits des lettres inédites de la collection Beljame laissent entendre qu’il avait aussi des compagnons de plaisir et qu’il vécut quelque temps dans une société assez dissipé.


§ 4. Sa liaison avec les Roland.

C’est au Jardin du Roi, en 1780, au cours de botanique d’Antoine-Laurent de Jussieu, que Bosc se lia avec Roland et sa femme (Barrière, II. 141 : Faugère, II. 145). L’inspecteur qui allait entreprendre son Dictionnaire, avait tout profit à pratiquer ce jeune savant, qui connaissait tant de monde et tant de choses ; Bosc, de son côté, avec la sensibilité de ses vingt et un ans, se prit au charme de cette jeune femme, si instruite, si intelligente, si habile à gouverner ses amis. Aussi, lorsque les Roland furent retournés à Amiens, demeura-t-il avec eux en correspondance suivie, « presque journalière », nous dit-il lui-même[3]. C’est d’abord Roland qui demande sans cesse des renseignements ; souvent sa femme écrit pour lui. Puis les lettres prennent bien vite un tour personnel, affiectueux, d’une entière

  1. Ou plutôt d’Antic tout court, et même Dantic, jusqu’à la loi du 19 juin 1790.
  2. On sait les services dans ce genre rendus à Voltaire par Damilaville, premier commis des bureaux du vingtième. — Cf. une jolie anecdote de Mémoires de Beubnot, II, 360.
  3. Avertissement de son édition des Mémoires, 1795.