Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Appendice I.



FLESSELLES.

Il y avait à Amiens, au temps où Roland y fut inspecteur, un groupe de manufacturiers intelligents et hardis, avec lesquels il eut d’étroites relations d’affaires et d’amitié. L’inspecteur, toujours à la recherche de procédés industriels et de métiers nouveaux, trouvait en eux des praticiens prêts aux essais et aux entreprises que ces essais pouvaient suggérer.

Les principaux son Pierre Flesselles, Delamorlière et Martin.

Flesselles et Roland se lièrent dès l’arrivée de celui-ci à Amiens, en 1766[1].

En 1773, nous voyons Flesselles occupé à introduire une industrie nouvelle à Amiens : « L’apprêt anglais était inconnu en France en 1773, lorsque le sieur Price, anglais, apprêteur de Londres, l’apporta à Amiens, où il est encore le seul qui l’exerce ; et c’est, sans doute, le seul en France, si ce n’est le sieur Flesselles, son associé, en train de l’y exercer[2] ».

Voici, d’ailleurs, le long passage ou Roland rappelle les services rendus par Flesselles dans cette branche d’industrie :

… On voit, par ce relevé, qu’il s’est apprêté, dans cet atelier, plus de 20,000 pièces d’étoffes année commune : sur quoi il est à observer que l’apprêt anglais a donné lieu à la fabrication de toutes les Tamises, de tous les Durois, de tous les Sagatis et Malbourrougs, de tous les Châlons et Anacostes abandonnés depuis longtemps ; de beaucoup de Blicourts et de la plupart des Bazins à cotes, des Croisés, etc. ; qu’il a singulièrement concouru à soutenir les objets anciennement connus, même ceux qui n’ont été assujettis qu’à l’apprêt ordinaire, par la raison que cet apprêt-là, même dans cet atelier, se fait avec beaucoup plus de soins et de beaucoup meilleurs cartons qu’il ne se fait et ne peut se faire nulle part. Personne, d’ailleurs, n’est bien instruit en ce genre ; personne n’a de fourneaux, de plaques, de presses, de mécaniques à les ferrer, semblables à celle-ci.

Justice et vérité sont les premiers devoirs de l’homme ; il m’est doux de les remplir surtout lorsque ma reconnaissance, partagée avec le genre humain, ajoute encore à leurs charmes : c’est ce que me font éprouver ces âmes franches, ces hommes à cœurs ouverts qui me rendent sensibles et palpables les plus profonds secrets des Arts qu’ils cultivent, et qui me mettent à même d’en enrichir le public ; c’est dans l’abondance de ce sentiment, dont je suis encore pénétré, que j’écrivis la deuxième note de la première page de l’Art de préparer et d’imprimer les étoffes en laine, publié en 1780 ; note que je rapporterai ici avec d’autant plus de plaisir, qu’elle est, pour la même personne, également applicable à l’Art que je viens de décrire :

« M. Flesselles est celui qui en a le plus étendu la pratique (de l’impression des étoffes en laines). Cet artiste, plein de hardiesse, d’un zèle très actif et d’une confiance sans bornes dans les entre-

  1. « Depuis dix-huit ans que je le connais », écrit Roland en 1784. (Dict. des manuf., t. I, p. 401)
  2. Ibid, p. 386. On voit, dans ce même endroit, que Price refusa d’ouvrir ses ateliers à Holker. (Cf. Appendice G., §2)