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Appendice H.



LES ACADÉMIES.

Un des faits les plus caractéristiques du xviiie siècle, c’est la multiplication et l’activité intellectuelle des Académies provinciales. Il ne peut être question ici de tenter même une simple esquisse de ce mouvement ; mais il y a intérêt, après l’avoir sommairement défini, de montrer la part que Roland y prit.

Cinq ou six de ces Académies dataient déjà de la fin du XVIIe siècle, et parmi elles une mention spéciale est due à la modeste Académie de Villefranche-en-Beaujolais, fondée en 1679 sous le haut patronage du duc d’Orléans, seigneur apanagiste de la petite province. Mais, au XVIIIe siècle, l’entraînement devient général : presque chaque province veut avoir la sienne ; de 1703 (Bordeaux) à 1784 (Orléans), nous en voyons surgir plus de vingt. Au début, ce n’était souvent que des assemblées littéraires privées. Mais la royauté les mit bien vite sous sa main, en leur octroyant des lettres patentes qui leur conféraient à la fois des privilèges et des obligations. Aussi était-ce presque toujours le 25 août, jour de la fête de Saint-Louis, qu’elles tenaient leur séance publique annuelle.

Il faut noter aussi que la plupart s’appelaient « Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts ». Les Sciences y avaient la première place, et les Arts, c’est-à-dire les Sciences appliquées, étaient une de leurs principales préoccupations. À Rennes, on s’intitulait « Société d’agriculture, de commerce et des arts » ; à Orléans, « Société royale de physique, d’histoire naturelle et des arts ». On voit que rien ne ressemblait moins aux frivoles Académies de la décadence italienne. Il se créait d’ailleurs, parallèlement, surtout dans la seconde moitié du siècle, des « Sociétés d’agriculture » (Lyon, Rouen, etc.).

On proposait des prix, quelquefois sur des sujets de littérature, de philosophie et de morale (comme à Dijon en 1749), mais souvent aussi pour des recherches scientifiques. La poussée économiste pénétrait là comme ailleurs.

Presque partout, ces Académies créaient auprès d’elles des établissements d’enseignement supérieur et professionnel à la fois, pour suppléer à l’insuffisance des Universités décrépites : à Rouen, une école de mathématiques ; à Dijon, des cours de botanique, de chimie (que professait Guyton de Morveau), de matière médicale, d’anatomie, d’astronomie ; à Amiens des cours de botanique, de chimie, puis de meunerie et de boulangerie ! etc.

Roland, originaire de Villefranche-en-Beaujolais, où son frère Dominique était académicien depuis 1752, élève et lauréat, dès 1759, de l’École de mathématiques fondée par l’Académie de Rouen, aspira toute sa vie à faire partie du plus grand nombre d’Académies possible ; la part faite à l’ambition, il faut reconnaître c’était un moyen d’étendre ses relations scientifiques, car toutes ces Académies correspondaient volontiers entre elles. Il semble bien qu’elles étaient plus vivantes que ne le sont, en général, les Sociétés analogues existant aujourd’hui dans nos provinces.