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dans un voyage d’Italie, qui demandait une longue absence, M. D.L.P. ne s’en occuperait pas ; si M. H., dis-je, dans ce long intervalle de juillet 1776 jusqu’en décembre 1780, que l’Art a paru, n’eût pas été plus fabricant qu’inspecteur, il aurait publié lui-même cet Art ; c’était une belle manière de se venger ; c’était la seule qui put convenir, la seule qui eût indiqué au public l’envie de lui être utile[1]… »

Mais le cas de Roland n’était pas aussi simple. Il avait fait précéder son mémoire d’un Avertissement ou Introduction de quatre pages où chaque ligne était une blessure pour Holker, sans même qu’il fût nommé :

1° On signalait combien la fabrication du velours de coton était répandue en Angleterre, d’où résultait « une concurrence de travail et de prix, sans laquelle la célébrité d’aucun établissement de ce genre ne saurait faire une époque marquée au coin de l’utilité publique ». (Cette épigramme en mauvais français visait directement la manufacture de Saint-Sever) ;

2° « On ne voit en France que quatre ou cinq manufactures très particulières de ce genre et les entrepreneurs soutiennent les velours qui en sortent à un prix si haut, qu’il en résulte une introduction considérable en contrebande de ceux d’Angleterre, etc. » (Donc le privilège de Holker est funeste à l’industrie nationale) ;

3° « Si le Gouvernement avait jugé à propos de rapprocher dans cette partie l’intérêt particulier de l’intérêt public, ou que le zèle de quelqu’un eut prévenu le nôtre, nous aurions depuis vingt-cinq ans, au lieu de trois à quatre cents métiers de velours cantonnés en trois ou quatre endroits du royaume, … des milliers de métiers de velours de coton. » (Même conclusion) ;

4° « Les ateliers de ces apprêts, où résident éternellement le silence et le mystère, longtemps impénétrables à la ruse et à l’argent même, restent encore inaccessibles à tout autre moyen… » ;

In cauda venenum : un historique sommaire, à la fin de l’Avertissement, affirmait que « les frères Havard furent les premiers qui fabriquèrent des velours de coton à Rouen avant 1740 ; que M. d’Haristoy avait repris, perfectionné leurs procédés et les avait pratiqués avec succès à Darnetal ; que, de 1750 à 1752, un établissement pareil avait été fondé à Vernon ; enfin que, « vers le même temps, un calandreur de Manchester, province d’Angleterre où les fabriques de ce genre sont très répandues, échappé et fuyant, amen des ouvriers, ses parents et autres instruits dans cette partie ; qu’il fut accueilli en France, où il a fait subitement une des fortunes les plus étonnantes du siècle… ».

Atteint dans son intérêt par la publication des procédés, profondément blessé dans son amour-propre par ces lignes dédaigneuses, le « calandreur de Manchester » fit lancer contre Roland une brochure enfiellée : Lettre d’un citoyen de Villefranche à M. Roland de La Platière, académicien de Villefranche, etc., 46 p. (Bibl. de Lyon, fonds Coste, 353448). Son apologiste (nous avons dit plus haut que c’était probablement Brown, inspecteur des manufactures à Caen), énumérait tous ses titres à la gloire d’avoir été le véritable introducteur en France de la fabrication du velours de coton ; puis, prenant Roland à partie disait : « … C’est à ce calandreur que notre héros [Roland] doit son état et son bien-être…

  1. Réponses, etc.