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le caractériser et le distinguer de ses frères, on le qualifiait de Tolozan point (ou pas) d’honneur ». (Cf. Mémoires secrets, 21 décembre 1780, 5 avril 1782, 8 août 1783.) Mais les appréciations malveillantes de Dulaure sont contredites par d’autres contemporains (l’abbé Georgel, Mémoires, t. I, p. 533, cité par M. Eugène Lelong, — Nouveau dictionnaire historique de Chaudon et Delandine, 1804, article Tolozan, etc…).

La correspondance des Roland, nous montre les rapports complexes, souvent tendus, entre l’impérieux Intendant et l’indocile inspecteur.

Lorsque Brienne, par l’arrêté du 5 juin 1787, réunit en une seule les quatre Intendances du commerce intérieur, c’est à Tolozan que cette Intendance fut confiée, et M. Eugène Lelong fait remarquer avec raison qu’il eut dès lors « les attributions d’un véritable ministre du commerce ».

C’est en cette qualité qu’il eut à s’occuper, de 1789 à 1791 (avec son ancien collègue, M. de Montaran, qu’on lui avait donné comme adjoint), de l’approvisionnement de Paris en ces temps difficiles. La loi du 22 décembre 1789, sur l’organisation administrative, de la France, avait bien supprimé en principe les Intendants du commerce en même temps que tous les autres (Titre III, article 9), mais une disposition transitoire, d’ailleurs bien nécessaire, portant que « les commissaires départis, Intendants et subdélégués cesseront toutes fonctions aussitôt que les administrations de département seront entrées en fonctions », permettait à Tolozan de rester provisoirement à sa tâche (ce n’est guère qu’au milieu de 1790 que les Intendants de tout ordre disparurent en fait).

Tolozan, bien que supprimé en principe, dirigeait donc encore le service lorsque l’inspecteur de Lyon qui, lui, n’était pas encore supprimé (il ne le fut que par le décret du 27 septembre 1791), lui adressa la lettre suivante (ms. 6243, fol. 115), dont le ton montre assez que les temps sont changés, et que depuis le moment où Madame Roland écrivait à son mari, à propos de Tolozan (août 1787, lettre 277) : « File doux ; point de débats ! », une Révolution était survenue :

M. Tolozan, Intendant du Commerce.
Lyon, le 18 janvier 1790.

Monsieur, quel que soit le motif qui ait fait rendre au Conseil l’arrêt du 29 novembre dernier, qui ordonne l’exécution provisoire d’un tarif du prix des façons, etc… de la fabrique de Lyon, je crois ne pas devoir vous laisser ignorer qu’il n’avait pas été connu ici jusqu’à ces derniers jours qu’on vient de l’afficher ; qu’il porte le trouble dans la fabrique et qu’il tend à la combler de misère.

Beaucoup de fabricants ne faisaient travailler que pour occuper leurs ouvriers ; quelques-uns même entassaient la marchandise, faute de débouché. On avait trouvé si sage l’arrêt du 3 septembre 1786[1] ; il était conforme à tout ce qui se pratique dans tout le royaume, à la raison, à la justice ;

  1. Il est possible que cet édit se rattachât aux négociations d’où sortit le traité de commerce avec l’Angleterre du 26 septembre 1786 ; Lyon a toujours été pour le libre-échange. Mais il doit, ainsi que Roland va le rappeler lui-même, se rapporter surtout à l’émeute du mois d’août 1786 (voir lettre de Madame Roland du 11 août).