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[À ROLAND, À PARIS[1].]
Jeudi, 15 novembre 1781, — [d’Amiens.]

Tu es arrivé sans doute, mon cher et bon ami[2] ; j’attends de tes nouvelles avec impatience, comme le restaurant le plus nécessaire dans ton absence ; je t’ai renvoyé une lettre arrivée sous contre-seing et qui n’avait pas la petite marque ; j’en ai reçu une de M. Hoffmann qui t’écrit de Paris, où il est rue Poissonnière, maison de M. Le Prince. Une affaire de conséquence l’amène dans cette capitale, il n’est question de rien moins que de toute sa fortune : procès avec son intendant, etc. Il désire beaucoup de te voir et te prie de le faire avertir si tu vas dans cette ville ; il te parle de sa mécanique à filer dont il est assez content. Je crois, d’après cet exposé, pouvoir me dispenser de t’envoyer son épître ; j’ai dessein de t’en faire passer quelques-une pour Villefranche, et je ne veux pas grossir le paquet inutilement.

M. Du perron est venu te demander, ainsi qu’un espèce de commis je crois, de M. d’Antin[3] ; on leur a dit que tu étais sorti, ainsi que nous en étions convenus. Je suis fort en peine de ta santé, je crains le rhume, cet air humide, les tracas de Paris, que sais-je ? Je crains tout, quand je ne te vois pas. J’espère au moins que tu peux te chauffer ; c’est devenu pour moi chose bien difficile ; il fait un temps affreux, et ce vilain vent qui rabat la fumée dans toutes nos cheminées. Je ne sais où mettre mon poussin[4], j’ai éteint le feu de ma chambre

  1. Ms. 6238, fol. 148-149. Il y avait 15 novembre au manuscrit. Une correction ancienne a substitué 16, mais à tort, car le 15 novembre 1781 était bien un jeudi.
  2. Roland était à Paris, à l’hôtel de Lyon où il avait retrouvé Lanthenas, depuis le 13 novembre (voir ms. 6240, fol. 90, lettre de Roland du 14 novembre).
  3. D’Antin, ou probablement Dantin. Nous ne savons qui il est. — Voir lettre du 26 novembre 1781 : « M. d’Hervilles, dont la femme est une d’Antin… »
  4. « Le poussin », Eudora Roland, née le 4 octobre 1781. L’expression reviendra à chaque page des lettres de Madame Roland et de son mari.