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elles prennent des délibérations qui vous secondent. Sans cette entente, vous risquez d’échouer ; avec elle, vos succès seraient infaillibles.

Ne négligez point cette mesure, elle est nécessaire et elle presse.

Adieu, mon bien-aimé !


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[À BUZOT, EN BRETAGNE[1].]
31 août [1793, — de Sainte-Pélagie].

Tu connais, mon ami, le cœur et l’attachement de ta Sophie. Eh bien ! tu ne peux te représenter encore son émotion, ses ravissements à la réception de tes nouvelles[2]. Mais que d’incertitude lui restent, que d’inquiétudes la dévorent ! Pourquoi ne pas t’expliquer un peu davantage sur tes entreprises de commerce, si périlleuses dans les circonstances ? La sûreté de tes petites propriétés, les succès que tu peux te promettre sont les uniques biens qu’elle soit susceptible de goûter dans l’état de langueur où elle est réduite ; elle ne respire que pour les apprendre et mourra si tu dois souffrir. Je me suis chargé (sic) de te répondre pour elle et tu ne peux te dissimuler le besoin où elle se trouve d’employer une main étrangère. Je te parlerai mieux de son

  1. Ms. 9533, fol. 222-223. — Cette lettre a fait partie de la vente du libraire France, des 12 et 13 février 1864, mais le libraire-expert, trompé par les déguisements auxquels recourt ici Madame Roland, avait cru que la lettre était adressée à un négociant, mari de Sophie Cannet ! (Voir son Catalogue, n° 396.) C’est M. Faugère (ms. 9533, fol. 221) qui a reconnu que la lettre s’adressait à Buzot.

    Par suite de cette méprise de l’expert de 1864, la lettre n’entra pas alors à la Bibliothèque. Elle fut achetée par M. Faugère, et c’est dans ses papiers qu’elle est arrivée à la Bibliothèque nationale, en avril 1899.

  2. Buzot et ses compagnons, à l’approche des troupes victorieuses de la Convention avaient quitté Caen le 28 juillet, et s’étaient réfugiés en Bretagne, près de Quimper. Le 20 août, neuf d’entre eux s’embarquèrent pour Bordeaux. Mais Buzot, Barbaroux, Petion, Guadet, Louvet, etc., ne se décidèrent à partir pour la même destination que le 20 septembre, après avoir délibéré s’ils ne se rendraient pas plutôt aux États-Unis. C’est ce dernier parti que va recommander Madame Roland, en termes couverts dont le sens reste assez visible. C’était le plus sûr, et d’ailleurs elle avait toujours songé à l’Amérique (voir lettres 550 et 551).