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À LA SECTION DE BEAUREPAIRE[1].
4 juin 1793, — [de l’Abbaye].

Citoyens,

J’apprends par les papiers publics que vous aviez mis sous la sauvegarde de votre section Roland et son épouse[2] ; je l’ignorais lorsque j’ai été enlevée de chez moi, et le porteur des ordres de la commune m’a présenté au contraire la force armée dont il était accompagné comme celle de la section qu’il avait requise ; c’est ainsi qu’il l’a exprimé dans son procès-verbal. Du moment où j’ai été fermée à l’Abbaye, j’ai écrit à la Convention et je me suis adressée au ministre de l’Intérieur pour qu’il lui fît passer mes réclamations. Je sais qu’il a obtempéré à ma demande et que ma lettre a été remise ; mais elle n’a point été lue. J’ai l’honneur de vous en adresser une copie certifiée. Si la section croit digne d’elle de servir d’interprète à l’innocence opprimée, elle pourrait députer à la barre de la Convention pour y faire entendre mes justes plaintes et ma demande[3]. Je soumets cette question à sa sagesse ; je n’y joins aucune prière ;

  1. Bosc, I, 24 ; Faugère, I, 37. — Ms. des Mémoires, Bibl. nat., 13736, fol. 24, — La section Beaurepaire, dont faisait partie la maison habitée par Roland, était au cœur du quartier latin. Elle formait, depuis la Seine jusqu’aux jardins de Feuillants, au delà de la rue de l’Estrapade, un long rectangle limité sur les autres côtés par la rue Saint-Jacques et la rue de la Harpe. Elle siégeait aux Mathurins. Roland y était populaire et y avait de l’influence. Il y était « bien vu » (Mém, I, 8). Lorsque, dans la matinée du 11 novembre 1793, on releva son cadavre dans l’avenue du château de Radepont, on trouva sur lui des cartes de sa section.
  2. La section Beaurepaire avait en effet, dans la soirée du 31 mai, « pris sous sa sauvegarde » Roland et sa femme (Tourneux, Procès-verbaux de la commune, p. 150). — Cf., dans le Moniteur du 4 juin, le compte rendu de la séance de la commune du 1er juin, signalant l’attitude de la section ; voir aussi la Chronique de Paris (n° 155) : « La section de Beaurepaire avait pris la citoyenne Roland sous sa protection… ». L’arrestation n’en avait pas moins eu lieu ; mais, le 3 juin, la section avait pris des arrêtés contre les détentions arbitraires (Mém., 43-44 et 395-397).
  3. La section Beaurepaire, sous la pression des députations des sections voisines, contre laquelle elle réclama en vain auprès du Comité de Salut public. (Aulard, IV, 482), finit par plier et ne députa pas à la Convention. — Voir cependant ms. 9533, fol. 289, une pièce curieuse d’où il résulte que, le 11 juin, la section résistait encore.