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342 et 358, et nous ferons de même pour la lettre 502 (à Pache, 11 novembre 1792), non pour la puérile satisfaction de grossir de quelques unités notre moisson, déjà assez riche, de lettres inédites, mais parce que des lettres comme les nos 491 et 502 sont véritablement des anneaux d’une chaîne. On en jugera ici par l’analyse de Sainte-Beuve :

« Dans une lettre inédite à Brissot (31 juillet 1792), très importante historiquement, elle [Madame Roland] devient, il faut le dire, injurieuse, insultante, et s’échappe à qualifier le vertueux général du même terme dont Voltaire irrité n’a pas craint de qualifier Rousseau… Aux approches de la crise imminente du 10 août, elle ne réclamait déjà plus, comme après Varennes, des mesures brusques, absolues ; elle désirait que les sections réunies demandassent non la déchéance, difficile à prononcer sans déchirer l’acte constitutionnel, mais la suspension provisoire, qu’il serait possible, quoique avec peine, écrivait-elle à Brissot, d’accrocher pour ainsi dire à l’un des articles de la Constitution… Elle ss plaignait du silence à l’Assemblée et de l’attitude incertaine de Brissot en des circonstances si menaçantes… Sa lettre, ayant pour objet de prémunir Brissot contre les facilités de caractère et de jugement auxquelles il était enclin, présente des indications très particulières sur les principaux de ce groupe illustre et fraternel que de loin une seule auréole environne. Chacun y est touché et marqué en quelques lignes ; ils passent tous l’un après l’autre devant nous dans leurs physionomies différentes, et le bon Sers (depuis sénateur), aimable philosophe, habitué aux jouissances honnêtes, mais lent, timide et, par là même, insuffisant en révolution, et Gensonné, à la fois incertain de caractère et formaliste d’allures, et Guadet, au contraire trop prompt, trop vite prévenu ou dédaigneux… Quant à Vergniaud, qu’elle n’aime décidément pas, trop épicurien, on le sait, pur cette âme de Cornélie, elle était, avant l’épreuve dernière, souverainement injuste a son égard. Les temporisations de l’insouciant et sublime orateur ne s’expliquent pas pour elle aussi naturellement que pour nous, en simples caprices et négligences de génie. Elle va jusqu’à s’inquiéter de sa mise et en veut presque à ce regard voilé, qui pourtant s’éclairait si bien dans la magie de la parole… Elle cherche vainement un grand caractère propre à rassurer dans cette crise et à rallier le bon parti par ses conseils… Tout en excitant Brissot à être ce grand caractère, on voit assez qu’elle y compte peu et qu’elle connaît excessivement confiant, naturellement serein, même ingénu… »