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brouillonne, entremêlée de trop longs accès d’inertie[1]. Lanthenas n’en eut pas moins, par ses relations avec les patriotes les plus avancés, surtout lorsqu’il eut été nommé député de la Convention (9 septembre) et qu’il se fut arrangé pour rester en même temps au ministère, logé dans l’hôtel même, un rôle assez considérable et parfois embarrassant pour son chef.

Tandis que Roland, en guerre ouverte avec la Commune de Paris, attaqué par Robespierre, dénoncé par les Jacobins, et rompant bientôt avec Danton, inaugurait dès septembre une politique de résistance, Lanthenas, plus enchaîné par ses rations avec le parti avancé, se désolait, critiquait, se refroidissait visiblement. Il s’en prenait aux chefs du parti Girondin, et particulièrement à Buzot, dont il avait bien vite discerné l’influence sur Madame Roland. Nous établirons, dans l’Appendice consacré à Buzot, que sa liaison de cœur avec Madame Roland et son ascendant sur elle datent non pas de leurs premières relations en 1791, comme l’ont cru beaucoup d’historiens, et particulièrement M. Hamel, mais seulement de septembre ou octobre 1792, lorsqu’il revint d’Évreux pour siéger à la Convention. Lanthenas, jaloux et blessé, usant du privilège d’une vieille amitié au delà de toute mesure, récrimina auprès de Madame Roland, auprès de Roland lui-même. De là, les lettres enflammées de colère et de dédain qui terminent la Correspondance de 1792. Il nous suffira d’avoir indiqué cette situation respective de Madame Roland et de Lanthenas, vivant sous le même toit, mais ne correspondant plus guère que par de courts billets, pour qu’on se rende compte de l’intérêt de ce drame domestique. Certains passages des Mémoires, et notamment une page sanglante qui n’a été publiée entièrement qu’en 1864, prennent sous cette clarté toute leur signification : « Lanthenas, apparemment comme le vulgaire, content de ce qu’il a lorsque d’autres n’obtiennent pas davantage, s’aperçut que je ne demeurerais point insensible, en devint malheureux et jaloux… Il ne voulait plus voir comme moi, et bien moins comme celui qu’il me voyait chérir ; il prétendit se mettre entre le côté droit, dont il blâmait les passions[2] et le côté gauche, dont il ne pouvait approuver les excès ; il fut moins que rien et se fit mépriser des deux parts… » (II, 247).

  1. Voir, sur les bureaux de Roland, les Mémoires, t. I, p. 41-46 et 146. — Cff. L’extrait des Mémoires de Champagneux que nous avons publié dans la Revue historique de janvier 1877. — Voir aussi, dans la Correspondance, la lettre 554.
  2. Nous reproduisons tels quels les soulignements du manuscrit autographe.