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propositions définitives, qui furent acceptées le lendemain, et enfin, le vendredi 23 mars, à 11 heures du soir, Dumouriez — qui, en allant aux Jacobins, le 19, coiffer le bonnet rouge et embrasser Robespierre, semblait s’être engagé définitivement avec les patriotes — venait à son tour annoncer officiellement à Roland sa nomination et l’inviter à prêter serment le lendemain[1].

Brissot applaudit vivement, dans le Patriote français, à un ministère qu’il avait fait et qu’il allait inspirer. Dans le n° du 22 mars, en un Bulletin de Paris daté de la veille (c’est-à-dire du jour où il avait porté des propositions à Roland), il disait : « Point encore de ministres nommés… On parle de M. Clavière, pour les Contributions publiques ; d MM. Dietrich, Roland de La Platière, Collot d’Herbois pour les Affaires intérieures ». Puis, le 24, en annonçant la nomination de « M. Clavière au ministère des Contributions publiques et de M. Roland (de La Platière) à celui de l’intérieur » et en louant hautement ces choix, il se croyait obligé d’ajouter (tant Roland était inconnu du grand public !) : « Il ne faut pas confondre M. Rolland-Laplatière avec un M. Laplatière, auteur d’une Galerie de grands hommes[2]. Le premier est un officier municipal de Lyon, écrivain connu par des ouvrages intéressants, ingénieux et utiles… »

Le choix de Roland inquiéta tout à la fois et les amis de la cour et les hommes qui commençaient à prendre position au delà de Brissot et de son groupe (Beaulieu, III, 247). Le Logographe, alors inspiré par les Feuillants, écrivit que Roland était le beau-frère de Brissot, et celui-ci répondit dans le Patriote du 28 mars : « Vous avez été induit en erreur, Monsieur ; je ne suis ni le beau-frère ni même l’allié de M. Roland (de La Platière) ; je suis seulement son ami et je m’en ferai gloire, car j’ai la profonde certitude qu’il cessera d’être ministre du moment où il ne lui sera plus possible d’être en tout patriote de l’observance la plus rigoureuse ; et c’est à ce prix seul que je puis être l’ami d’un ministre. »

Le ministère girondin (il serait plus exact, à cette époque, de dire brissotin) était donc constitué avec Dumouriez, de Grave, Lacoste, Clavière et Roland ; il ne manquait qu’un ministre de la Justice, car Garnier, appelé à remplacer Duport-Dutertre, venait de refuser. On songea un instant — très

  1. Mém."", I, 67-68. — Cf. le récit de Mme  Grandchamp, non concordant sur quelques détails secondaires, mais si curieux et si vrai comme impression générale.
  2. Sulpice Imbert, comte de La Platière, compilateur du temps, qui avait en effet publié, vers 1786, une Galerie universelle des grands hommes (Quérard, Fr. litt.)