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ressusciter la noblesse ?… Il est difficile, sans doute, qu’il s’exécute ; mais jugez de l’esprit de ceux qui peuvent le former et qui intriguent pour le faire réussir. Le moment de la révision s’approche et, avec lui, les menaces de guerre peut-être les attaques réelles. L’Assemblée avait arrêté d’envoyer trente de ses membres dans les départements frontières ; il a fallu l’énergie de l’honnête Buzot pour faire sentir les inconvénients de cet arrangement, vraie perfidie bien ménagée qu’il a eu le bonheur de faire échouer. On vient d’abolir les ordres de chevalerie[1] ; cette opération a été favorisée par la masse des honnêtes gens qui n’ont pas vu de raisons à y opposer ; elle n’a point inquiété les Noirs, qui comptent sur la guerre, et, par elle, sur de plus grandes restitutions ; elle n’a pas été très combattue par les intrigants, qui sont bien aises que l’Assemblée fasse un acte d’éclat très démocratique pour maintenir ou regagner la confiance, et lui laisser faire tout ce qu’ils espèrent en faveur du pouvoir exécutif, lequel saura bien recréer des joujoux de cette espèce, s’il acquiert l’ascendant qu’on veut lui rendre.

Oui, sans doute, une nouvelle législature est le grand moyen de salut, et la preuve qu’elle est nécessaire, c’est que celle-ci goûte si bien le charme de gouverner, qu’elle ne veut pas même entendre la demande de rendre le cours aux élections. Les adresses ou pétitions qui l’ont pour objet sont tues, soustraites ou dénigrées sous des prétextes, tandis que l’on fait grand étalage de félicitation mendiées ou d’adresses envoyées par des corps administratifs, dont quelques individus gagnés déterminent ces démarches.

Le département du Puy-de-Dôme, c’est-à-dire les citoyens de Clermont-Ferrand et ceux de quatorze villes ou communes, ont envoyé un député extraordinaire, chargé de leurs pétitions, toutes individuellement signées dans les formes prescrites par la loi, et portant le vœu libre de milliers de citoyens pour les nouvelles élections. On a refusé d’admettre et d’entendre le député, on n’a lu qu’une des pétitions, on l’a insidieusement interprétée et renvoyée comme un délit au Comité des recherches[2], tandis qu’un membre vendu des Comités a débité

  1. Décret du 30 juillet 1791.
  2. Voir note de la lettre du 20 juillet 1791.