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sieurs autres nouveaux évêques, ce qui peut le retenir encore une huitaine de jours. Vous aurez vu, par ma dernière, que je ne suis pas fort contente de l’esprit public ; ce n’est pas qu’il n’y ait ici beaucoup de patriotisme, mais il n’y a point d’ensemble, et l’opinion générale ne se prononce point assez vigoureusement pour forcer l’Assemblée languissante de se conformer à ce qu’elle prescrit.

On vient pourtant de remporter une petite victoire sur le parti droit, qui ne voulait pas que le Roi fût gêné dans sa marche, même comme fonctionnaire public ; j’appelle cette victoire petite, parce que je ne trouve pas la loi franche et ferme comme elle devrait être[1].

En vérité, si vous n’aviez pas pris l’abbé Lamourette, vous auriez bien dû choisir l’abbé Fauchet. C’est une injustice des Parisiens que de n’avoir pas élevé sur le siège de cette capitale un patriote aussi vigoureux, un homme si distingué par ses talents et qui s’est dévoué à la Révolution avec un abandon, un enthousiasme auxquels on ne peut rien comparer. Je l’ai entendu plusieurs fois avec un extrême plaisir.

Il parait, entre nous soit dit, que le compagnon Bret se dispose à retourner bientôt dans ses foyers ; il s’ennuie ici ; il voit s’allonger la courroie, et il veut prendre son parti.

Notre ami a eu beau se démener, le chien de Comité des impositions avait rêvé l’impôt municipal[2] ; il n’y a pas eu moyen de l’en faire démordre.

À force de cris, et je dirai presque de menaces, il a apporté des modifications à son détestable projet de décret, et Dupont[3] a arrangé son rapport de manière à nous ménager des reprises ; mais, au lieu

  1. Le 28 mars, l’Assemblée avait décrété que tous les agents de l’État seraient astreints à la résidence, et que le Roi, « premier fonctionnaire public, devait avoir sa résidence à vingt lieues au plus de l’Assemblée nationale ».
  2. Tandis que Lyon demandait que les dettes des villes fussent nationalisées, le Comité des impositions fit voter à l’Assemblée, le 29 mars, à la date même de cette lettre, un décret autorisant les villes à percevoir « des sols additionnels » pour le service de leurs emprunts, etc. — Voir lettre à Bancal du 5 avril. C’est ce que Madame Roland appelle « l’impôt municipal », contre lequel elle protestait.
  3. Dupont de Nemours, rapporteur du projet.