Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1044

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ramener à l’union et aux bons principes. Des aristocrates déguisés, des ambitieux qui veulent conduire et des hommes timides à préjugés, voilà les gens contre lesquels il faut lutter. Je suis reçu membre du dub d’une section. Je vais au Centre et à Saint-Clair. Je répands partout les bons principes d’une manière indépendante. J’ai eu occasion de reconnaître que cela ne plaît pas toujours à ceux qui d’abord m’ont le plus accueilli. Je suivrai cependant la même marche.

Malgré les oppositions que j’ai trouvées d’abord, j’ai enfin fait passer mon adresse à l’Assemblée nationale sur l’égalité des partages. Elle a été lue par les 28 sections et signée par leurs commissaires par duplicata, et j’ai adressé le tout à Petion pour qu’il en remette une à l’Assemblée nationale et l’autre aux Jacobins, en prenant les mesures nécessaires pour y arrêter dessus l’attention[1]. J’ai écrit aussi aux Jacobins pour leur proposer un arrêté qui est d’inviter toutes leurs Sociétés affiliées à provoquer, dans les lieux où elles sont établies, des Sociétés qui réunissent en petites masses tous les citoyens pour s’instruire et émettre leurs vœux sur les divers objets qui pourraient les solliciter ; de faire former à ces Sociétés, au moyen de commissaires, un centre que les premières dirigeraient ; d’attribuer à ce centre la correspondance et la communication à toutes les Sociétés de tout ce qu’on voudrait leur faire parvenir ; de s’appliquer à y répandre l’instruction et la fraternité, et de réunir enfin, tous les quinze jours ou plus souvent, tous les membres de toutes ces Sociétés dans de vastes édifices pour discuter ensemble des points importants et prendre le résultat des avis ainsi formés. Je crois qu’il est extrêmement important que les amis de la liberté s’occupent d’appeler les hommes les moins instruits et les plus occupés dans des Sociétés. Les aristocrates, dans quelques endroits, ont voulu prendre les devants ; et ici, il est aisé de voir qu’il y en a beaucoup de mêlés qui espéraient de conduire ces clubs populaires. On les reconnaît aux partis violents, exagérés, qu’ils proposent surtout, et aux flagorneries qu’ils disent aux assemblées, lors même qu’elles s’égarent. J’en ai relancé un l’autre jour au Centre, le frère de l’aristocrate que je trouvais dans ce café où nous fûmes déjeuner une fois avec M. Roland. Si vous écrivez à Clermont, vous feriez bien d’appuyer sur ces idées que vous développerez et étendrez aisément. Je presse la Société du Puy de faire de même : il faut que l’exemple du voisinage l’entraîne. Vous connaissez ce qu’a fait la Société de Dijon pour établir ces Sociétés secondaires ; rien n’est plus simple ni plus facile. On les a nommées ici populaires ; cette dénomination ne me plaît pas, parce que toutes les Sociétés, toutes les assemblées sont par essence populaires depuis l’abolition de nos ordres et le renversement de nos vieux préjugés.

J’ai reçu une lettre de mon ami de Philadelphie, dans laquelle il me mande qu’il s’entendra avec M. Dupont[2] pour traiter de la maison de M. Lecoulteux à son prochain retour,

    porter à la salle du Concert, place des Cordeliers. Les clubs populaires, fondés dans les trente et un quartiers de Lyon et rattachés à un club central, représentaient une nuance plus avancée et devinrent bientôt prépondérants. (Wahl, 365.).

  1. Petion présenta en effet l’adresse à l’Assemblée. — Voir Patriote français du 17 janvier 1791.
  2. Nous ne saurions dire au juste quel était cet ami de Lanthenas à Philadelphie. Quant à Dupont, c’est certainement le beau-frère de Brissot. François Dupont, établi en Amérique depuis le commencement de 1789.