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beaucoup les élections ; nous avons arrêté d’attendre qu’elles fussent achevées pour nous rendre à Lyon où notre ami ira remplir ses fonctions, disposé comme tout bon citoyen, qui doit pouvoir dire aujourd’hui avec César, mais pour une meilleure cause :


Quoi qu’il puisse arriver, mon cœur n’a rien à craindre ;
Je vaincrai sans orgueil, ou mourrai sans me plaindre.


Arrêtés à cette idée, nous avons cependant éprouvé quelque indécision en apprenant que le rapport sur les manufactures était prêt ; que la suppression des inspecteurs entre dans le projet, qui conserve seulement les chambres de commerce, et forme en outre un collège de commerce, partie instructif, partie administratif, qui correspondra avec les chambres de commerce. On ne parle point de retraites aux supprimés. Peut-être y aurait-il quelque raison à faire le voyage de Paris dès que le rapport paraîtra, si tant est que l’Assemblée le mette à la discussion, et d’y faire les observations utiles à la chose commune, avec les réflexions qu’inspire la justice particulière pour de vieux serviteurs dans cette partie. D’un autre côté, la sagesse semble demander qu’aussitôt la décision de l’événement, nous nous confinions bonnement dans notre ermitage, qui doit alors devenir notre grande affaire et notre unique séjour. Préparés pour tous les cas imaginables, nous n’aurons jamais d’efforts à faire pour prendre notre parti ; il n’est question que de combiner les possibles avec ce que la chose publique peut réclamer.

Nous venons d’apprendre, dans le moment, le choix des municipaux élus dernièrement ; ce sont tous patriotes connus. Il est évident que le peuple a toute l’influence et qu’il en use admirablement ; on parle de Vitet pour maire, de l’ami pour procureur de la commune ; si cela arrive, il y aura trop de bien à faire et trop beau jeu à l’entreprendre pour ne pas soumettre à l’avantage de l’opérer toute autre considération[1]. Alors nous habiterons encore Lyon pour deux ans et nous ne l’abandonnerons qu’après son entière régénération. Tel est l’état de nos alentours ; c’est assez vous en entretenir, mais ces détails étaient bien dus au patriotisme et à l’amitié.

Vous avez fait un charmant voyage avec votre aimable compagnie et vous commencez sans doute à connaître quelques sociétés ; j’imagine que vous n’é-

  1. Roland ne fut pas élu. C’est Bret qui fut choisi, avec Lémontey (le futur député à la Législative) pour substitut.