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[À BANCAL, À LONDRES[1].]
30 novembre 1790, — du Clos Laplatière.

Nous attendions de vos nouvelles avec impatience ; les premières de Londres nous sont parvenues depuis cinq à six jours, et vous jugez comme elles ont été accueillies. J’ai tardé de vous répondre, non, pour avoir plus de choses à vous dire, l’amitié ne reste jamais court, mais pour en avoir de meilleures à vous apprendre. Je n’étais pas remise de je ne sais quelle crise ou révolution qui m’avait atterrée, lorsque mon ami est tombé malade. Les premiers symptômes me firent craindre de voir renouveler l’affreux état de l’année précédente, mais ce n’était qu’une fièvre d’éruption ; un érésipèle s’est déclaré à la jambe et tous les autres accidents ont disparu. Il est dans les remèdes que nécessite cette circonstance et sera libre, à ce que j’espère, vers la fin de cette semaine. Ses maux m’ont fait oublier les miens, l’inquiétude m’a rendu mon activité ; nous sommes tous mieux : c’est ce que je voulais pouvoir vous mander.

J’aurais beaucoup à ajouter sur ce qui nous est personnel ; j’y viendrai bientôt, car je n’ai pas l’espérance de vous apprendre du nouveau sur les affaires publiques dont j’aimerais à vous entretenir. Vous savez que le ministère est enfin changé : le brave Duport, patriote et plébéien, est passé à la place du garde des sceaux[2] ; Duportail donne des espérances, il est à la guerre[3] ; Fleurieux[4] est éclairé sans être ami de la Révolution, mais il marchera avec les choses dès quelles paraissent les plus fortes. Le duel de Lameth et de Cas-

  1. Lettres à Bancal, p. 125. ; ms. 9534, fol. 65-66. — En marge : « Rép. le 14 décembre ».
  2. Duport-Dutertre (1754-1793) avait remplacé, le 21 novembre 1790, au ministère de la justice, l’archevêque de Bordeaux, Champion de Cicé ; démissionnaire le 22 mars 1792, guillotiné le 28 novembre 1793.
  3. Duportail, ministre de la guerre depuis le 16 novembre 1790, à la place de La Tour du Pin ; démissionnaire le 5 décembre 1791.
  4. Le comte Charles-Pierre Claret de Fleurieu (1738-1810), ministre de la marine le 24 octobre 1790, jusqu’au 16 mai 1791, puis membre des Anciens, conseiller d’État, sénateur, etc. – Il était de Lyon, et frère de Claret de Fleurieu de La Tourrette (1729-1793), secrétaire perpétuel de l’Académie de Lyon, avec lequel Roland était en excellentes relations.