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concitoyens, envers lesquels ils auraient très mauvaise grâce de faire les importants en traitant de leurs propres affaires ; j’ai diverti nos amis de ma correspondance avec ce personnage.

Je pense que le courrier d’aujourd’hui nous apportera de vos nouvelles. L’ami Lanthenas attend de celles de M. Pigott. J’ai laissé tous les poètes italiens pour le Tacite de Davansati[1] ; il n’est pas permis, dans un temps de révolution, de tourner ses études d’agrément sur des objets éloignés de la chose publique ou étrangers aux sentiments qu’elle exige. Si je puis cet hiver donner quelques moments a l’anglais, ce sera pour lire l’histoire de Mme  Macauley[2]. Je ne quitterai les historiens que pour la morale de Rousseau qui convient si parfaitement au civisme, qui est si bonne au solitaire et aux âmes sensibles.

Les trois amis embrassent leur quatrième.

Que devient le sage Garran ?


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À M. H. BANCAL, [PARIS[3].]
5 novembre 1790, — du Clos Laplatière.

Je ne sais comme vont les courriers, mais vous auriez dû recevoir trois lettres de nous au lieu d’une renvoyée par Clermont, et les vôtres nous paraissent séparées par de biens longs intervalles. Il est vrai que les solitaires me-

    1793, décrété d’arrestation par la Convention le 12 avril (P.V.C. 12 et 16 août), il fut guillotiné à Lyon.

  1. Bernard Davanzati Bostichi (1529-1606), littérateur florentin. Une nouvelle édition de sa traduction de Tacite venait de paraître (1790, 3 vol. in-4o).
  2. Catherine Sawbridge, mistress Macauley (1733-1791), avait publié une Histoire d’Angleterre depuis l’avènement de Jacques Ier jusqu’à l’élévation de la maison de Hanovre, 8 vol. in-8o, 1763-1783, et une Histoire d’Angleterre depuis la Révolution jusqu’au temps présent, 1778, in-4o. — Brissot, qui l’avait connu à Londres (voir ses Mémoires, II, 228-234), professait pour elle une vive admiration. Il semble que l’ouvrage dont parle ici Madame Roland soit un abrégé des précédents. Le Patriote français du 11 octobre 1791 annonce une « Histoire d’Angleterre depuis l’avènement de Jacques Ier jusqu’à la Révolution (de 1688), par Catherine Macauley Graham, traduite en français par Mirabeau, 2 vol. in-8o ». Madame Roland reviendra souvent à cette lecture, d’une inspiration toute républicaine.
  3. Lettres à Bancal, p. 117 ; — ms. 9534, fol. 63-64.