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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

poir ; laquelle de ces femmes n’eût pas voulu partager un tel triomphe ?

Elles s’émurent toutes à cette demande imprévue qui circula bientôt dans tous les rangs. Les douairières seules se cachèrent sous les plumes de leur éventail en disant qu’elles refuseraient ce baiser victorieux et qu’il était malséant que ce jeune homme n’eût pas pris la coupe d’or.

Il y en avait en effet une fort belle envoyée de chez l’Empereur, le meilleur joaillier du temps ; cette coupe était incrustée d’agates.

— Vous verrez que ce sera le jeune marquis de Vivonne ! dit Mme d’Esparbac.

— Pourquoi pas M. de Vannes ! répondit Mme de Langey.

— À moins que ce ne soit mon neveu ! s’écria M. Gachard. Il est pourtant moins haut de taille, et se lasse facilement…

— Ce serait plaisant que ce fût un étranger, quelque Anglais du navire l’Yorick, qui fait voile cette nuit même pour Bordeaux…

— Vous n’y êtes pas… c’est le neveu de notre gouverneur, M. de Bongars dit un officier qui voulait de l’avancement…

Mais toutes ces conjectures furent dissipées par le geste du vainqueur, qui, s’avançant tout d’un coup vers Mme de Langey, marqua ses blanches épaules d’un baiser de feu, en soulevant la barbe de son masque…

— Un mulâtre, c’est un mulâtre !