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LE PORTEFEUILLE

que Tio-Blas se glissa dans cette ancienne résidence. Quand il la revit, l’Espagnol ne put se rendre maître d’un tressaillement de joie, car ce n’était pas sans motif qu’il rentrait sous ces planches habitées par un seul domestique noir… Attachée comme un nid d’aigle aux mornes dominant la vallée d’Oya, cette case assez vaste s’éclaira bientôt sous la torche de Tio-Blas… Escorté de Saint-Georges, il s’en fut droit à un grenier rempli de débris d’animaux, de cornes à bœufs et de rouillardes ébréchées, et là, dans une des crevasses du mur masquée par un grand cadre de la Vierge, il plongea son bras nu, et il y saisit un portefeuille…

Il fallait que ce fût quelque dépôt précieux, car il était fermé et scellé de trois cachets ; la couverture était en peau de lézard.

Tio-Blas le prit, s’assura que nul ne l’avait forcé et le mit dans sa basque, après avoir bu avec le mulâtre la moitié d’un flacon de Malaga respectable par sa vétusté.

— Tu vois, mon digne fils, que je t’ai tenu parole ! La vie que nous menons est contrariée parfois, j’en conviens, mais elle a ses charmes. Ne vaut-il pas mieux que tu aies quitté la Rose et ta mère, pour devenir quelque chose chez nous, au lieu de pourrir là-bas sous les coups de fouet ?… Par le grand saint Dominique de mon parent l’évêque, je suis désolé de n’être plus un seigneur ayant palais à Séville ou à Burgos, j’aurais fait de toi mon maître à chanter… Tu pinces fort galamment de la guitare !…