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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

— Qu’on le fouille, dit M. de Vannes, il a peut-être encore sur lui le poison.

Un valet fouilla Saint-Georges et fit tomber de sa poche de derrière deux pièces d’or,

— D’où te vient cet or ? continua la marquise avec le regard froid d’un procureur-général.

— Par ma mère, je n’en sais rien balbutia-t-il, étonné de plus en plus. Je ne porte jamais d’or sur moi !… Je n’en ai jamais touché !…

Et le pauvre jeune homme interrogeait d’un air terrifié ces fatales pièces qu’on lui montrait. L’air courroucé de cette femme qu’il aimait tant l’avait étourdi, il ne savait que répondre,

— C’est bien ? surveillez-le, et qu’on appelle le noir qui a servi le plat, dit M. Printemps Ce doit-être Ali.

Une tête crépue, horrible à voir, se fit jour à travers la foule, c’était celle d’Ali ; le malheureux était ivre de tafia, on le poussa plutôt qu’on ne l’amena dans la salle. M. de Rohan examinait Saint-Georges avec un sentiment de compassion, dont malgré son dédain habituel il ne pouvait se défendre.

— C’est vous, Ali, je vous ai chargé, moi votre chef, moi le maître d’hôtel de la Rose, d’aller chercher ce poisson à Saint-Marc.

— Oui, monsieur Printemps, répondit le nègre avec un grognement sourd. Mais ce n’est pas moi qui l’ai servi… reprit-il tout à coup en se voyant entouré de tous ces visages blancs de seigneurs émus et pâles, dont l’aspect dissipa chez lui les fumées de l’eau-de-vie.