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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

moustiques. À une petite table apportée près de la grande figuraient deux chaises, l’une élevée et l’autre plus basse, c’était la table du petit marquis et de Saint-Georges. On s’assit, et l’on vit bientôt sortir du tour de la salle à manger près duquel se tenaient M. Printemps les huîtres de mangles, servies sur de longs plateaux d’émail.

C’était l’instant solennel de silence qui précède tout premier service ; MM. d’Esparbac, de Vannes, Gachard et quelques autres enviaient le bonheur du prince de Rohan, placé près de la belle marquise.

De charmantes femmes de la colonie assistaient à ce banquet, mais la marquise les avait choisies de façon à ne pas être vaincue par elles. Debout près du tour, comme un empereur romain, M. Printemps, après avoir fait fermer les fenêtres, venait d’ordonner à ses laquais noirs de lever les cloches…

Cet ordre exécuté, une odeur infecte se répandit tout d’un coup dans cette salle, odorante et fraîche la minute d’avant ; le maître d’hôtel sentit un frisson mortel courir à ses veines…

— Qu’est ceci ? s’écria-t-il en se hâtant vers la table de Maurice.

L’odeur était devenue si intense, en effet, que tous les convives, par un mouvement naturel, s’étaient levés… Le poisson servi devant Maurice était primitivement d’une chair blanche et feuilletée ; à cette heure, ses raies d’un jaune d’or, comme celles du vivano étaient devenues noirâtres, une fétide évaporation s’en exhalait… La truelle à la main, Saint-Georges se disposait à le dépecer pour Maurice,