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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

— Vous ici ! monsieur Printemps, lui dit la marquise en le tirant à l’écart avec un air d’étonnement sévère. Vous ici, et M. le prince attend !

— Je vous rends mon épée comme feu Vatel, madame la marquise, si M. le prince attend plus de cinq minutes. C’est une fantaisie de M. le marquis Maurice… il tient à manger ce soir du mulle-rouget[1] ; et comme il ne m’a fait prévenir que tout à l’heure… Mes gens n’en avaient pas dans leurs caziers, j’ai envoyé vers Saint-Marc ; mais, rassurez-vous, nous tenons le mulle-rouget ; nous le tenons, on l’apprête à la sauce noisette en cet instant même… Je vais aux cuisines, excusez-moi, madame la marquise… j’étais venu apprendre à M. le marquis qu’il était obéi…

Les belles manières de M. Printemps, son air d’assurance et de politesse à la fois ; plus encore que tout cela, sa soumission aveugle aux volontés du petit marquis, chassèrent le courroux du front de madame de Langey. Elle le vit partir sans se douter seulement, d’après son calme affecté, qu’il pût attendre encore ce plat si désiré de Maurice… Cela était vrai cependant, et M. Printemps, nouveau Vatel, se trouvait sur les épines. Son noir était, depuis le matin, en campagne pour chercher ce poisson, fort rare dans la rade du Cap, et dont celles de Saint-Marc et du Port-au-Prince sont plus approvisionnées…

  1. On sait que ce poisson de grande marée est fort recherché aux Antilles