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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

entré dans la destinée du créole de demeurer toujours frêle et maladif, comme dans celle du mulâtre de rester jeune, vigoureux. D’ailleurs aucun d’eux ne pouvait encore réfléchir à cette légère distinction physique. M. le marquis Maurice ne s’occupait, en vérité, que d’une chose, de mettre ses mutineries et ses révoltes contre ses maîtres à couvert sous la bonne conduite de Saint-Georges. Le mulâtre ne le quittait ni jour ni nuit, soit qu’il voulût se promener par les jardins quand le vent tombait de la crête parfumée des mornes, monter à cheval, se baigner ; soit qu’il lui fallût prendre ses leçons devant sa mère. Ce jour-là seulement les maîtres de Maurice se croyaient obligés de se soigner, de perler leurs phrases et d’insinuer avec adresse au marquis les demandes et les, réponses. Mme de Langey écoutait ces exercices d’un air insouciant, l’éducation d’un enfant de qualité consistant plutôt, pour la marquise, dans certain ordre d’idées toutes faites que dans la véritable route du progrès. Toute autre femme que la marquise eût été blessée au cœur en voyant le mulâtre répondre alors mieux que le marquis, son orgueil maternel s’en fût alarmé ; mais il y a des servitudes si établies que les rayons d’intelligence qui s’en échappent vous rendent à peine jaloux ; il fallait être Mlle de Breil[1] pour lever les yeux sur Rousseau le laquais, et puis Rousseau le laquais n’était pas mulâtre !…

Mme de Langey n’exigeait qu’une chose des pré-

  1. Confessions, livre III.