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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

trine émue… Il y avait dans votre empressement à vous en saisir je ne sais quoi de doucereusement cruel ; vous ne me demandiez pas même comment ils m’étaient venus, ces diamans ! au prix de quels labeurs et de quelles fatigues ! Peu vous importait, vous étiez la reine ; et ce diadème, qui avait tardé à venir, vous mettiez enfin la main sur lui !

« Le lendemain, au bal offert au gouverneur, c’était à qui vous ferait compliment ; les femmes vous jalousaient, les hommes se penchaient pour vous regarder ; vous étiez vraiment Jeanne de Naples ! Ma qualité de marchand n’inspira aucun soupçon au marquis ; il me tira seulement à l’écart pour me demander le prix du collier ; le chiffre exorbitant de cette parure le fit reculer. M. de Langey projetait alors une absence de deux mois, sa santé l’exigeait impérieusement : ses préoccupations et ses travaux l’avaient maigri plus en un mois qu’en dix années. Je fus le premier à lui offrir ma bourse et mon crédit ; mais il espérait des recouvremens à la Martinique, et il rejeta mes offres. Devenu plus libre par son départ, je n’imposai plus silence à mes sentimens, ils éclatèrent. Nos entretiens reprirent leur cours. Il doit vous souvenir, Caroline, de quelles mystérieuses précautions vous entouriez mon bonheur ; personne dans la colonie ne s’en doutait. Vous jugiez sans doute inutile de divulguer aux yeux de tous votre honte, car à la franchise et à l’amour vous n’opposiez, vous, que la soif des richesses et une insatiable cupidité. Il vous eût semblé cruel, n’est-ce pas, de mettre ainsi votre âme et votre tarif à nu ! En me prescrivant comme loi première de me