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Poppo.

chez lui ce noble instinct… Vous demeurerez son instituteur… À propos, je veux m’entendre avec vous sur l’habit qu’il va porter. Oui, je veux un turban orné de perles avec une veste de damas lilas rayé d’argent… Cela fera fort bien quand j’irai visiter en chaise quelque voisine… Avec mon parasol et mon singe, ce sera miraculeux !

— Madame la marquise sera satisfaite. Du reste, le gaillard n’est ni voleur ni gourmand, deux vices chers à la race des noirs créoles. Moyennant quelques coups de gaule que je lui ai donnés par-ci, par-là, afin de mûrir son éducation, c’est un garçon accompli…

— Allons, Saint-Georges, reprit-il, ouvrez proprement cette orange pour la présenter à Poppo sans qu’il vous morde.

Saint-Georges ouvrit le fruit et le présenta fort élégamment à Poppo, qui ne lui fît pas mauvais accueil.

— À présent, Saint-Georges, une chanson pour amuser M. le marquis Maurice !

Saint-Georges se leva de l’air calme et modeste d’un petit page brun de Velasquez et chanta l’air créole qui suit :

 
Aza ! guetté com z’ami toüé,
Visag’li fondi semblé cire !
Temps la ! toüé ! tant loigné de moüé !
Jourdi la guetté moüé sourire !

La gentillesse et la naïveté de l’air ravirent Mme  l’intendante. Elle tira de sa poche de côté sa boîte à la


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