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UNE ROBE FEUILLE-MORTE.

que cet événement tragique ait passé dans l’île si inaperçu ; nous n’en avons eu connaissance, M. d’Esparbac et moi, que par une lettre de M. le curé de Saint-Marc adressée à l’intendance. Il nous annonçait avoir pris sur lui d’ensevelir M. de Langey, tué en duel auprès de Rio-Verde. Son adversaire, sir Crafton, capitaine anglais en rade à la station du Cap, avait, d’après le récit du comte de Cerda, pris la fuite vers Cibao…

— C’est la vérité, ma chère parente.

— À titre d’alliée à M. de Langey, j’exprimai alors à M. le curé de Saint-Marc le désir de voir la sépulture du défunt entourée d’un marbre qui rappelât du moins son nom et ses titres. Les noirs de la colonie sont bannis de ce cimetière, il est vrai, mais une simple croix de bois distingue jusqu’ici la tombe de notre parent. Je dis notre parent, les registres de notre famille en font foi… Ma mère, en 1682…

— Je me souviens, en effet, d’avoir ouï prononcer votre nom dans ma famille… M. de Boullogne, qui a pris lui-même en pitié ma douloureuse position…

— M. de Boullogne nous avait parlé de vous, marquise, avant le fatal événement, à son dernier passage à Saint-Domingue. Il faisait voile pour la Guadeloupe, le pays de ses possessions héréditaires… À la Guadeloupe, il fréquentait votre maison ?

— C’est à la Guadeloupe que M. de Langey me le présenta.

— Sa magnificence n’y est-elle point passée en proverbe ? Elle égalait, dit-on, celle de M. de Saint-James, le fermier général.