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LE MAPOU

foulèrent bientôt les gazons autour desquels gazouillaient plusieurs ruisseaux détournés comme autant de bras de l’Ester. Mme de Langey réfléchissait encore aux mots inconsidérés de Finette elle se disait sans doute intérieurement qu’elle n’était qu’un enfant ; cette légèreté l’avait rejetée néanmoins dans un ordre d’idées inattendues. Un orage sourd courait dans ce cœur, agité déjà de tous les vents de l’ambition ; Finette, par un seul trait, y faisait germer la crainte du ridicule. L’imprudente enfant venait de contrarier ouvertement l’une des plus intimes espérances de la marquise, et le courage de Mme de Langey en était presque abattu. En se retrouvant prés de la vieille baronne d’Esparbac, Mme de Langey se sentit plus forte, elle marcha presque à l’aise. Le souffle de Finette venait d’ébranler sa volonté pour la première fois peut-être, comme il eût fait d’un château de cartes ; la présence de Mme l’intendante la soutint, Mme l’intendante n’ayant guère d’autres appuis à invoquer, dans cette première conversation avec la marquise, que les lieux communs, ces bons amis qui ne manquent jamais au besoin.

Profitant de la fraîcheur de la nuit pour reposer son teint hâlé par la route, Mme de Langey avait dépassé les arbres de la pelouse ; bientôt elle se trouva dans une partie assez reculée des jardins, devant un mapou dont le tronc colossal eût pu faire un canot d’une seule pièce…

Creusées par le temps, les fissures nombreuses de cet arbre scintillaient alors à la lune… Ses bras noueux, s’élevant à une hauteur prodigieuse, ne