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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

consacrée sous l’œil de Dieu, l’existence de l’enfant semble s’ouvrir aux brises propices, comme le calice d’une jeune et belle fleur. La bénédiction céleste est descendue sur lui ; il pourra du moins recourir au sein de Dieu si quelque jour le sein maternel lui manque. Pour lui, le baptême est la porte d’un monde nouveau ; monde divin, poétique, semé d’ombres fraîches, de haies vives, d’aspects doux et consolans ; monde que recherche l’âme brisée après la tourmente, l’âme usée par les fausses joies, l’âme esclave qui aspire aux sommets libres. Mais le baptême, ce premier gage de protection que vous donne l’Église, existe plus solennel encore aux colonies que partout ailleurs : devant l’idolâtrie et la superstition des noirs, dont une faible portion recourt à lui, il devient une distinction utile au principe d’asservissement. L’enfant du créole y naît libre, l’enfant du nègre y appartient au maître : de là une différence sensible dès le seuil de la vie. Le colon s’empresse peu de faire baptiser l’enfant noir, l’avenir d’un tel être ne valant pas autre chose pour lui que dix acres de terre en bonne culture. Rarement le noir courbe le front sous l’onde salutaire, rarement l’étoile lumineuse scintille sur sa tête ; sa mère, à laquelle la loi le dispute, l’allaite, parce que les bêtes fauves allaitent leurs petits ; ce temps passé, il n’existe plus que par lui seul. Le baptême donnerait-il au nègre, dans la colonie, un rang moins inférieur aux yeux de tous ? l’empêcherait-il d’être la chose d’autrui ? Hélas ! cette chose humaine ne doit pas laisser plus de traces dans la société religieuse