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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

de l’autre n’y militaient guère qu’en faveur du ridicule. Toutes ces folies, dont le contre-coup se faisait ressentir aux îles, n’y mettaient guère le pouvoir religieux en crédit ; les colons en pressentaient le déclin. Les passions orgueilleuses des blancs s’indignaient de ce que les ministres catholiques leur débauchassent presque leurs esclaves ; ils n’allaient à l’église que parce qu’ils la considéraient comme moyen de distraction : leurs femmes s’y montraient avec les mêmes fleurs et les mêmes dentelles qu’au bal ; on n’y priait qu’en paniers et en satin. Quelquefois, pendant le prêche, indécemment troublé par les causeries et les œillades, au milieu de cette assemblée si coquettement impie, on voyait entrer comme contraste, par un des bas-côtés du temple, un homme au teint basané, l’air humble et son chapelet au cou : c’était quelque Espagnol apportant des fruits ou des cocos au marché ; il restait les bras croisés, priant Dieu l’espace d’un quart d’heure, puis remontait sur sa mule, suivi des petits enfans qui riaient de lui quand il longeait les arbres de la promenade. La présence de ce croyant semblait avoir purifié l’église, où le bruit ne recommençait que trop tôt.

Pour la marquise de Langey, l’objet de cette cérémonie était donc moins le baptême de Maurice qu’un déploiement de luxe et de belles façons dans la colonie : c’était en quelque sorte le programme de sa richesse qu’elle déroulait, en même temps qu’elle prouvait par là son mépris pour tout ce qui pouvait se trouver israélite ou protestant autour d’elle. Caroline de Langey, femme noble avant tout, était loin