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SAINTE-ASSISE

étude de combattre savamment chaque impression ennemie de sa beauté ; l’amour lui avait paru surtout un dangereux hôte. L’amour extrême, l’amour vrai, cet amour qui emplit l’urne du cœur à lui en faire dépasser les bords, n’était jamais apparu à Mme de Langey que comme une ombre fictive, mensonge d’insensé ou de poète. Sous l’inaltérable sérénité de son bonheur on voyait percer cette négation de tout ce qui est sentiment, amour, vérité ! C’est ce que dans le monde on nomme la femme heureuse.

Qu’était-elle devenue depuis ces tièdes soirées de la Rose ? par quels arrangemens, je ne dirai pas par quels amours, avait-elle promené sa vie ? C’est ce qu’elle seule savait et ce qu’à coup sûr M. de Boullogne, son maître et seigneur par contrat, ignorait complètement…

Alors seulement Saint-Georges aussi se ressouvint, alors son front, un instant courbé sous l’orage intérieur de ses pensées, rayonna d’un vif éclair En voyant M. de Boullogne s’avancer avec une galanterie de vieille cour et offrir le bras à la marquise, que suivait M. de Vannes, il se prit à penser que d’un coup d’œil, d’un mot, il pourrait faire crouler cet échafaudage d’orgueil et se venger de cette pâle coupable…

Il fut tiré de ces idées par la cloche du déjeuner qui venait de retentir…

Ce déjeuner devait précéder la chasse.