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LE CHEVALIER DE SAINT GEORGES.

À trente ans, Saint-Georges est dans toute la vigueur de sa beauté ; la science des armes a presque doublé sa grâce ; il a des délicatesses inouïes de pose et regarde en parlant son pied, dont il est très-vain. Nous avons dit qu’il porte ses bagues hautes et grandes : c’est qu’à la jointure du doigt et à l’ongle, il sait bien que l’on reconnaît le sang mulâtre. Curieux d’étoffes de couleur tranchée, il affectionne surtout l’habit rouge, comme on voit encore le nègre de nos jours rechercher la cravate blanche. La laine de ses cheveux crépus a disparu sous la poudre, cette mode de nos pères qui les faisait jeunes si longtemps. C’est l’habit des chasses de la maison d’Orléans qui ce jour-là dessine ses plis sur ses hanches ; il a laissé dans un des coins du salon le fusil que lui a donné le prince de Conti, arme charmante, qui vaut bien deux cents louis.

Sur le bois capricieusement ciselé, la main du sculpteur a évidé deux hures de sanglier admirables : les narines gonflées soufflent la rage et la fatigue, les yeux sont en diamans.

— Asseyez-vous près de moi, chevalier ; vous aurez le temps d’être debout aujourd’hui à cette chasse.

Elle ajouta :

— C’est bien à vous de les avoir précédés de si bon matin, et je vous en remercie.

— Vous savez, marquise, qu’en fait de rendez-vous, ma réputation est celle d’un homme exact.

— C’est donc pour cela, monsieur, que vous avez passé votre soirée à la Société des Amateurs. Ne cher-