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LE PALAIS-ROYAL

tentatives, il devint l’astre des soupers, des fêtes, des spectacles. Ses conversations étaient un mélange adroit d’anecdotes amusantes, propres à rassurer la vertu des femmes ; au plaisir de se faire écouter il joignit bientôt l’art de se rendre rare… Quand les physionomies des douairières elles-mêmes (les plus difficiles d’entre les femmes !) lui garantissaient un succès pour sa soirée, il levait le siège, prétextait des affaires et laissait le cercle partagé entre le regret de le perdre et le désir de le revoir.

Devant cette guirlande de femmes choisies, toutes empressées de le voir et de l’entendre, le mulâtre avait-il oublié Mme de Langey ? L’amour ou le désir de la vengeance bouillonnait-il dans son cœur ? Était-ce cette femme qu’il avait entrevue dans le jardin, du haut de cette fenêtre que Mme de Blot lui avait vu fermer avec précipitation ?

Il n’y aurait eu qu’un analyste expert pour répondre à ces questions. Tout ce que nous pouvons assurer au lecteur, c’est que le dieu qui existe pour les amans envoya cette fois au duc d’Orléans, qui allait contrarier les plaisirs de ce cercle, une salutaire pensée : ce fut celle de s’endormir sur l’un des sophas de la galerie dès que M. Nollot eut entamé sur la harpe un air qu’il préjugeait devoir produire un tout autre effet. Les maîtres de harpe se trompent comme les princes.

Un valet de pied au service de Mme de Montesson était venu la prévenir que tout son monde de bonnes amies venait d’arriver. Celles qui assistaient le plus souvent à ses petits soupers du Palais-Royal étaient