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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

la cour de Versailles, ne devait constater qu’avec répugnance.

Il importe ici de préciser en quelques lignes cette disposition étrange du dix-huitième siècle à se décrier, de son propre aveu, aux yeux de sa noblesse et de ses vrais partisans.

La société française, qui semblait prendre à tâche de se décomposer elle-même en admettant, sans examen dans son sein tous les masques qui l’amusaient, ne comprenait guère l’écueil de ces acceptations frivoles. Ayant décidé qu’il lui fallait du plaisir et de la distraction à tout prix, elle allait au-devant de l’homme assez en fonds pour lui en donner ; or, il faut le dire, ce n’était pas là le fait des philosophes. À part les jouissances intellectuelles que pouvaient donner leurs écrits, et l’intérêt que certains esprits devaient prendre à leurs escrimes réciproques, le sérieux n’obtenait guère le privilège de l’attention ; il importunait, on le tournait en ridicule. Le seul sérieux qui eut du succès, ce fut celui du docteur Franklin, arrivant plus tard à Paris avec ses prospectus contre la foudre, ses lunettes vertes et son chapeau de quaker. Comme un malade a soin de fuir les gens qui lui parlent de sa maladie, le dix-huitième siècle se fit un devoir de fuir les sophistes assez forts pour lui résister et l’éclairer, témoin Rousseau, contre lequel le monde se roidit, pendant qu’il accueillait frénétiquement, à certains intervalles, dans ses salons, Voltaire, dont le véritable salon fut celui du roi de Prusse. De ce grand mépris pour les idées devait résulter nécessairement un amour indiscipliné pour la