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UN ANCIEN AMI.

— Les ombres de la nuit m’ont abusé, chevalier, je venais pour égorger la créole, j’ai percé le sein de la mulâtresse…

— Vous vouliez frapper Mme de Langey !!! s’écria Saint-Georges avec stupeur.

— Je voulais me venger, dit l’Espagnol, voilà tout.

— Vous avez été l’amant de la marquise de Langey ? dit le chevalier en cherchant à donner à cette demande le ton du doute.

— D’où savez-vous cela chevalier ? reprit l’Espagnol d’un air défiant, qui aurait pu vous l’apprendre ?… je ne vous ai, je pense, jamais parlé de la marquise de Langey… aurait-elle osé vous entretenir de moi ?

— C’est le seul projet de votre horrible action, Tio-Bias, qui a pu me faire soupçonner que vous étiez l’amant de Mme de Langey… ne venez-vous pas vous-même de me parler de vengeance ?

— Oui, reprit Tio-Blas, la vengeance était alors ma conseillère, elle l’est encore aujourd’hui…

— Après vingt ans !

— Qu’est-ce que vingt ans, Saint-Georges, quand on a joué sa vie pour atteindre un but terrible, pour triompher d’une insolente coupable ? Qu’est-ce que vingt ans de haine quand cette haine vous soutient ? Vous ignorez, Saint-Georges, que lorsque vous gémissiez pour cette femme à Saint-Domingue, elle avait déjà arraché depuis longtemps de mon âme tout bonheur et toute joie ? Vous parlez de vingt ans…, mais ajoutez encore le poids de six années