Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

le fer ; l’ambition de la faveur y entrait pour peu. Maurice méprisait la cour, il s’avouait faible, inhabile à marcher sur son théâtre, et c’était sur ce théâtre que l’espérance et la fortune d’Agathe reposaient ! Il lui semblait inouï, injurieux, qu’un visage d’esclave accoutumé à pâlir devant le visage du maître, des bras de mulâtre encore tatoués de coups, des cheveux crépus et tous les stigmates irrécusables de la servitude eussent mené si loin cet homme sans génie, bon à redire, suivant lui, les bruits communs et les historiettes de la ville, gagiste de manège et prévôt de salle d’armes, honoré des faveurs de Mme de Montesson Qu’eût dit la cour du grand roi de cette absurde souillure ? Et puisqu’il existait pour cet homme une porte secrète, ouverte et fermée sans bruit, pourquoi le produire, l’afficher, s’en parer aux yeux de tous ?

La fureur s’empara de lui en jetant la sonde au fond de sa propre misère pour ramener ensuite sa vue sur la fortune de Saint-Georges. Par un curieux hasard, les goûts, les études que Maurice, en sa qualité de gentilhomme, avait le plus en amour, formaient le fond de la supériorité de Saint-Georges : il excellait aux armes, à la danse, au violon. Maurice se ressouvint avec amertume des triomphes audacieux de cet enfant qui avait osé lui prendre ses maîtres ; il releva le front avec orgueil et se promit bien de l’en punir. Puisque dans le siècle où il vivait le désintéressement du cœur et l’élévation naturelle étaient folie, que l’étrangeté suffisait, et qu’après tout ce rival n’était arrivé que par surprise, il jura de