Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ce qui n’est qu’un cadre : Paris, les boulevards, les ateliers, les théâtres, etc. ; il s’agit surtout de la façon de sentir, d’aimer, de penser, de mourir, en un siècle de chemin de fer, de Bourse, d’inventions, d’art quintessencié, de détraquements, d’électricité nerveuse. Voilà le moment important de l’Éternité qu’il fallait fixer et qu’ils fixèrent. Ils firent, dans la forme du roman, l’histoire contemporaine des mœurs, des êtres, des choses. C’est ce qu’ils appelèrent peindre le Moderne. Pour y réussir, ils eurent la chance de posséder une éducation classique assez incolore. Homère et Virgile ne les obsèdent pas. Leur antiquité, c’est le XVIIIe siècle tout au plus. Ils ne vivent pas avec les morts. Ils sont attentifs seulement à ce qui les entoure.

Ils collectionnent des frissons, des gestes, des bruits, des nuances de l’eau, des plis de vêtements, des cris de passion, des expressions de douleur, des maladies, tout ce qui est la vie et la mort de leur temps. Est-il étonnant, dès lors, qu’une seule page d’eux, au hasard, donne la sensation et pour ainsi dire l’odeur de l’air du siècle ?


Un jour, ce curieux artiste qu’est M. Félicien Rops nous disait que sa grande ambition avait été d’exprimer le « nu moderne », le nu travaillé d’hérédité anémiée, si différent des calmes