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dinaire du survivant, cet œil rond, vaste, comme taillé à facettes par la lumière changeante, qu’il est un œil merveilleusement impressionnable, un œil qui subit comme un attouchement le reflet des objets, un œil contre lequel est blotti un écheveau de nerfs transmettant vite, en une télégraphie magique, l’impression de couleur au cerveau, en même temps que les nerfs du tactile transmettent l’impression de la forme ?


Donc ils étaient nés collectionneurs. Et ils recherchèrent avec volupté les bibelots, les dessins, les chiffons, les tapisseries, toute la babiole, toute la gloriole du siècle défunt que leur aristocratie aimait.

Après le décor, ce fut le tour d’autres objets plus décisifs : livres, manuscrits, papiers. Ainsi toute la vie du XVIIIe siècle renaissait entre leurs doigts fureteurs… On se penche sur l’eau pour ne cueillir que des fleurs, puis on s’intéresse aux crues, à la navigation, aux herbes sous-marines. On entrevoit au fond, des barques sombrées, des Ophélies dont on reconstituera la vie sentimentale avec leurs cheveux et ce que disent leurs bijoux.

Ainsi les collectionneurs furent amenés à écrire leurs Portraits intimes du XVIIIe siècle, à en faire revivre toute l’histoire : l’amour, la femme, l’art ; non seulement Watteau, Latour,