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d’autre part, de rentrer dans la simple vie des champs, qui commence plus loin.

Ces corps en ruine, aussi ravagés que les terrains, ces haillons aussi décolorés que les cultures, M. Raffaelli excelle mêmement à les exprimer, mais sans apitoiement pour ces existences vagabondes, toujours avec la même rigueur d’âme et de dessin, qui ne se préoccupe que de dégager leur caractère avec sincérité.

La sincérité, voilà la qualité dominante de ce bel artiste. Et l’orientation de son œuvre même nous en fournit une preuve curieuse. Il peignit la banlieue tant qu’il vécut à Asnières. Or, depuis ces dernières années, il est revenu habiter Paris.

Eh bien ! rentré ici, il eut des yeux neufs — ce Parisien de Paris, pourtant — ou, du moins, des yeux renouvelés par l’absence, pour regarder la ville, les rues, les boulevards, les passants. Et le peintre de la banlieue est devenu le peintre de Paris. Intéressant avatar où son esthétique foncière subsista ; car il chercha encore à peindre les divers quartiers en exprimant surtout leur caractère distinctif : une toile est le quartier Saint-Sulpice, discret et ecclésiastique ; une autre, les Champs-Elysées, d’élégance mondaine, mouvementée, avec de riches nourrices pavoisées comme des goélettes ; une autre encore, la place de la République, d’aspect marchand et populaire. Et toute une série s’enchaînera.