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traits, et ses enfants eux-mêmes, pour composer, en cent toiles pensives, cet ensemble qu’on pourrait appeler le Poème de la Maternité. Il a peint la Sainte Famille laïque.

Grâce naturelle des enfants ! Tendresse attentive des mères ! Mais ce ne sont pas seulement des mères qu’il a voulu rendre ; en généralisant le modèle, il a représenté la mère : fonction auguste, caractère sacré, sacerdoce humain. Il a mené son art jusqu’au type, dans ce qu’il a d’immuable. La mère qu’il peint incarne le total de l’amour maternel. Elle a des gestes résumatoires. Quelles admirables étreintes, tendres et passionnées, le peintre a trouvées ! Quels contournements des mains pour entourer et presser ! Les mains des mères, chez lui, sur les visages des enfants, sont des fermoirs qui ont l’air de serrer un trésor. Ces mains sont des ailes aussi, avec des allongements, des appuiements qui couvent…

Les mains ! c’est ce qu’il y a de plus étrange et évocateur, dans les œuvres de M. Carrière. Nul, peut-être, parmi les peintres de tous les âges, n’aura compris, comme lui, l’importance des mains, leur signifiance, les mystères de l’âme qu’elles élucident en même temps que le visage ; les mains qui sont les échos du visage, trahissent, renseignent par leur pâleur, leurs formes, leurs lignes.