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sites réels, des horizons définis, les bords de la Seine, les simples campagnes de l’Île-de-France, ce qu’il avait tout contigu et familier. Mais d’autre part, il ne s’en tient pas, comme les réalistes, à la seule copie. Ses paysages réels sont baignés d’on ne sait quelle atmosphère irréelle. Il semble qu’il y tombe une lumière d’au delà. C’est l’idéal dans la réalité et l’Éternité dans le temps.

Ainsi on dirait d’une planète meilleure (très ressemblante à la nôtre) mais où la terre ne servirait plus à cacher les morts, ne serait que la bonne argile où l’on modèle des statues. Jardins de calme joie, de nobles labeurs, de sérénité…

Un jour, dans un de ses poèmes en prose, Baudelaire, à l’aspect d’un port, demandait :

« Quand partons-nous pour le bonheur ? »

En regardant les œuvres de M. Puvis de Chavannes, il semble qu’elles soient ce pays du Bonheur, vers lequel tous les navires humains appareillent et où son seul rêve a pu atterrir.