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Vous n’êtes pas morts pour moi… mes frères… mes amis… mes compatriotes… Partout où j’irai, je vous le jure, je parlerai de vos patriotiques douleurs… jusqu’au jour du sermon de la délivrance que je chanterai sous ces voûtes… » Et il continua l’image magnifique, montrant les provinces mises au tombeau et qu’on croyait mortes, les provinces aussi gardées par des soldats, avec une plaie au flanc, dans le sépulcre ; mais un jour également la pierre volerait en éclats et la patrie se lèverait d’entre les morts !…

On juge de l’immense émotion : toutes les femmes pleuraient ; les hommes étaient debout hors d’eux-mêmes, les bras tendus vers lui comme pour retenir et éterniser cette minute d’héroïsme qui avait passé sur tant de deuils.

Mais ces accents magnifiques nous demeurent à peine comme des échos. Ils suffisent pourtant à nous émouvoir encore. Quelle émotion alors pour ceux qui les entendirent, avec la voix, le geste, l’éclat des regards, tout ce que l’orateur ajoute de son frisson humain au frisson divin des paroles nées en lui et dont lui-même s’étonne. Le malheur de l’éloquence, c’est qu’elle meure à la minute même où elle naît. Les discours lus sont incolores souvent. Le P. Monsabré