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physique, descend aux détails, à l’esthétique de la peau, aux titillations des nerfs. M. Pierre Loti, dans ses évocations d’Extrême-Orient, a cliché ainsi, par ses sens bien braqués, des notations qui nous en apportent la couleur, l’odeur, le goût, le son d’atmosphère.

Il suffit d’ailleurs de le voir pour juger combien il doit être en littérature un instrument de sensations, celles de la vue surtout et encore plus celles de l’odorat.

Il a de grands yeux vagues, humides, ces yeux, influencés par l’eau, des hommes qui ont beaucoup navigué ou naissent en des ports, des yeux qui reflètent tous nuages et tous reflets avec précision et en profondeur, comme les armures des soldats dans les tableaux des Primitifs.

Mais son nez est encore plus caractéristique : un nez busqué et embusqué, un nez de proie qui hume, devine, attire toute senteur éparse, la capture, la différencie. Et c’est ainsi, en ce joli livre, le Mariage de Loti, quand il nous promène avec Rarahu, dans les nuits voluptueuses de Tahiti, que nous percevons vraiment l’odeur de sexe et de plantes en route vers les étoiles. Et la terre des tropiques aromatisant sous la pluie tiède ! Et cette foule chinoise dont la pouillerie exaspère un unanime relent de musc dans les effluves des orangers et des gardénias. Et jusqu’à la senteur de la poussière,